En plus de notre travail sur l’ouvrage de Crauk, nous sommes également en train de préparer (enfin !) la publication de notre thèse sur Le siège de Nice en 1543 et ses conséquences.
Notre soutenance a eu lieu il y a quelques années, aussi avons-nous décidé d’ajouter une sorte de post-scriptum qui traite des documents sur notre sujet parus entre notre soutenance et (probablement) l’été 2021 - juste avant notre publication.
Au moment où nous rédigions notre thèse, nous avions essayé de retrouver un maximum de documents sur notre sujet – de la préparation du siège jusqu’à quelques semaines avant l’impression de notre travail. Un poème nous avait malheureusement échappé : L'Omaggio del Paglione per le felici nozze delle Serenissime Altezze di Mauritio e Lodovica Maria Prencipi di Savoia écrit par Giulio Torrini (Lantosque, 1607 – Turin, 1678) et publié à Turin par Giovanni Battista Zavatta en 1642.
Giulio Torrini était mathématicien et faisait partie de la cour des ducs de Savoie. Torrini était en admiration devant le marié et il voulut certainement s’attirer quelques faveurs en immortalisant cette union. Certes, son épithalame de vingt-quatre pages célèbre un mariage arrangé afin de ramener la paix dans le duché et il est linguistiquement intéressant (il est rédigé principalement en niçois, mais avec quelques vers en italien et en français), mais les circonstances de ce mariage sont dignes d’un cauchemar à vous glacer le sang.
Voici ce qui s’est passé : Christine de France (1606-1663) était régente pour son fils aîné, François-Hyacinthe de Savoie (1632-1638), mais l’enfant ne fut duc qu’un an. Son successeur, Charles-Emmanuel II (1634-1675), étant lui aussi trop jeune pour diriger le duché, leur mère continua sa régence.
Les deux oncles du duc, le prince-cardinal Maurice de Carignan (1593-1657) et son cadet, Thomas de Savoie-Carignan (1596-1656), voulant une part de pouvoir dans cette nouvelle régence, déclenchèrent une guerre qu’ils perdirent.
Malgré le fait que Carignan et Savoie-Carignan avaient été battus, il fut décidé qu’un mariage scellerait la paix. Pratique courante me direz-vous ? Certes. À un détail près, car ce fut la première née de Christine de France, Ludovica [aussi nommée Louise-Christine selon les ouvrages] (Turin, 27 juin 1629 – 12 mai 1692), qui fut mariée à son oncle Maurice le 29 septembre 1642 à Sospel.
Le marié dut obtenir du pape Urbain VIII (Maffeo Barberini ; 1568-1644) l’autorisation de se marier, puisqu’il était cardinal.
Le consentement papal pour la demande de dérogation pour mariage consanguin au troisième degré canonique, s’il nous est parvenu, doit être un exercice de contorsionniste admirable afin d’autoriser une telle horreur – mais Urbain VIII autorisa son cardinal à se défroquer afin d'épouser sa nièce.
Maintenant… regardez les dates. Le marié allait avoir cinquante ans alors que son épouse venait d’en avoir à peine treize.
Christine de France a sans doute voulu protéger son fils, le duc de Savoie, mais le prix payé par sa fille à peine adolescente ne se justifie par aucune diplomatie, ni stratégie militaire.
Veuve à vingt-sept ans, Ludovica hérita d’une villa, d’une
collection d’art et… des dettes de son cher oncle mari.
Est-il surprenant qu’elle ne se soit jamais remariée ?