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Curiosités de musées : Antinoüs... et Hadrien [Musée de la Renaissance]

Une semaine après avoir (re)croisé Antinoüs (vers 111-130) au Louvre, nous l'avons cette fois-ci découvert dans un autre musée de la région parisienne : le musée national de la Renaissance au château d’Écouen - d'ailleurs, nous vous parlerons bientôt plus longuement de ce musée.

Dans la magnifique galerie de Psyché, au premier étage (salle 22), se trouvent notamment de somptueuses tapisseries.

Cette pièce d’apparat des appartements d’Henri II (1519-1559) est magnifique ; le pavement d’origine a été reconstitué en partie et peut être admiré dans la grande salle du Roi (salle 26). Ce fut le céramiste et faïencier rouennais Masséot (le petit Matthieu en dialecte local) Abaquesne (1500 ?-1564) qui réalisa ce pavement en 1542 ; son implication exacte dans les créations de la manufacture de faïence de Rouen est floue et il est  possible qu’il n’ait été que le directeur et coordinateur des céramistes de l’époque.

 

Pavement qui se trouvait à l’origine dans la galerie de Psyché

Cette galerie porte le nom de Psyché, car une série de vitraux, retraçant l’histoire de Psyché et d’Éros s’y trouvait jusqu’au XIXe siècle. En 1830, le duc de Bourbon les légua à son petit-neveu, le duc d’Aumale, qui fit alors aménager une galerie de Psyché… au château de Chantilly où ils se trouvent encore (https://chateaudechantilly.fr/collection/vitraux-de-lhistoire-de-psyche/). En voici un exemple :


Le récit qui inspira ces vitraux nous vient des Métamorphoses (aussi appelées L’Âne d’or) d’Apulée (124 ? – 180 ?). Ce que nous oublions souvent aujourd’hui, c’est que Lucius Apuleius (le « Lucius » est un peu tardif dans les manuscrits, mais quelques indices littéraires peuvent nous laisser penser qu’il s’agit bien de son prénom) est le premier récit à nous parler de la princesse Psyché. Son histoire, d’ailleurs, peut nous faire penser à un étrange mélange des trames de Cendrillon, La Belle et la Bête et La Belle au bois dormant – sans oublier des contes amazighs qui ont été récemment redécouverts (certainement (re)découverts par le reste du monde ; il est fort à parier que les populations autochtones d’Afrique du Nord se transmettaient cet héritage littéraire depuis la nuit des temps et ne l’ont jamais oublié). Étant donné qu’Apuleius était à moitié amazigh, son imaginaire à peut-être été inspiré par cette culture.

Oh ! Incidemment, nous connaissons ses origines mi-amazigh et mi-numide (« Seminumidam et Semigaetulum », [moitié numide et moitié gétule – « amazigh », à l’époque] De Magia – XXIV, 1) parce que son plaidoyer, intitulé De Magia, lorsqu’il dut se défendre de ne pas avoir ensorcelé sa riche épouse, Aemilia Pudentilla,  (la belle-famille d’un fils de la veuve s’offusquait de voir la fortune de cette dernière se détourner d’eux et ils encouragèrent certains de ses enfants et le frère de son premier mari à contester le mariage), nous est parvenu et nous savons donc que la défense d’Apuleius fut excellente – et victorieuse.

En plus des tapisseries gigantesques qui ornent aujourd’hui les murs, l’une des deux cheminées représente Diane et Actéon, l’autre Le Christ et la Samaritaine. Les sculptures sont superbes ; les autres cheminées du château sont, pour la grande majorité, peintes, comme il était de coutume à l’époque. Ce château est un magnifique exemple de la Renaissance, mais le Moyen Âge était tout aussi coloré et le cliché monochrome, sombre et sévère que séries et films nous présentent aujourd’hui est aux antipodes de la réalité (sur le sujet, nous vous recommandons le passionnant ouvrage de l’historienne Justine Breton : Un Moyen Âge en clair-obscur, Rabelais, 2023 et si elle revient faire une autre conférence au musée de Cluny, allez-y !). Voir cette réalité historique est un vrai bonheur.

La galerie de Psyché, quand Henri II y passait devait être une féérie de couleurs.

 



Cette salle en elle-même est déjà un délice, puis, au milieu de la galerie, près d’une fenêtre, vous trouvez un buste d’Antinoüs et, de l’autre côté de la fenêtre, un buste d’Hadrien (76-138).



 


Ces bustes sont en bronze, montés sur piédouche. Nous savons qu’ils étaient au Louvre au département des sculptures du Moyen Âge, de la Renaissance et des temps modernes et qu’ils sont en dépôt à Écouen depuis 1977, donc, dès l’ouverture du musée de la Renaissance.

En revanche, si nous savons qu’ils sont « d’après l’antique » et probablement fondu en France, le reste de leur histoire est un mystère. Même leur date de création est inconnue : leur fiche indique « 1500 / 1900 (XVIe siècle - XIXe siècle) », ce qui est assez vaste et comme ces bustes sont des copies, Royston Lambert ne nous est d’aucun secours.

Qui sait, lors d’une visite aux Archives nationales, peut-être trouverons-nous une piste afin d’élucider le mystère d’Écouen où Antinoüs et son impérial amant ont trouvé refuge dans un écrin ?

 

Curiosités de musées : Antinoüs [Louvre]

            La circulation des visiteurs dans la galerie 710 au Louvre (aile Denon, niveau 1) ressemble à un départ sur une autoroute des vacances. C’est là que se trouvent les peintures italiennes et c’est le chemin qui mène à Mona Lisa, salle 711 – incidemment, tous les autres tableaux de cette salle sont plus intéressants que cette chère Joconde, ce qui n’a pas empêché un touriste chinois de nous pousser hors de son chemin dans son impatience de voir ce Léonard de Vinci largement oubliable (désolée, mais La Belle Ferronnière – aujourd’hui seulement appelée « Portrait de femme » - est beaucoup plus joli et intéressant) alors que nous asseyions de nous glisser parmi la foule vers un charmant Véronèse.

            Bref, la prochaine fois que vous passerez par la galerie 710, prenez le temps d’admirer les toiles italiennes, mais surtout n’oubliez pas de prendre un moment afin de contempler les quelques bustes qui ont été placés dans cette galerie.

            Il y a notamment deux bustes d’Antinoüs qui méritent que vous les regardiez un instant :

 



            S’il se trouve que vous ne connaissez par encore Antinoüs (vers 111-130), vous pouvez le rencontrer en roman avec le classique Mémoires d’Hadrien de Marguerite Yourcenar (1903-1987) et pour une approche plus historique, vous avez le magnifique et très complet Beloved and God de Royston Lambert (1932-1982).

            L’histoire d’Antinoüs est fascinante et l’amour que l’empereur Hadrien (76-138) avait pour lui a - présent - des conséquences intéressantes sur notre Histoire. La divinisation d’Antinoüs fait que nous avons énormément de représentations de ce jeune homme extraordinaire qui se noya dans le Nil, ce qui fait de lui un sujet si particulier.