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Pas du tout à côté de la plaque (mais plus haut dans la rue)

            Il est important de regarder où on met les pieds, mais regarder en l’air peut faire faire des découvertes.

Voici ce qui s’est passé : il commençait à faire sombre, nous étions sur le point de nous approcher d’une zone de travaux (bienvenue à Paris en toutes saisons !) et nous avons levé la tête. Pourquoi ? Bonne question, chers Lecteurs, d’autant plus que nous connaissons bien le quartier pour y avoir grandi et les surprises venant des étages sont beaucoup plus rares que les bizarreries au sol. Mais nous avons regardé vers le haut et nous avons vu une plaque ronde avec du texte et un liseré bleu.

Notre cadence de marche de Parisienne ralentit soudainement quand nos neurones réalisèrent que nous n’étions pas à Londres, où des blue plaques (plaques bleues en céramiques dont la première fut posée en 1867) ont pour but de lier un lieu à une personne célèbre, et que les plaques commémoratives sont plus souvent rectangulaires en France.

Nous nous sommes arrêtée et avons découvert une des plaques du « Parcours littéraire » qui a été mis en place par la mairie de Paris :

C’est très mignon, mais « à côté d’ici », c’est trente-neuf numéros plus haut, de l’autre côté de la rue de la Roquette (et la description devrait être « Personnage de La Saga Malaussène, Daniel Pennac, 1985-2023 » ou « Personnage d’Au bonheur des ogres, Daniel Pennac, 1985 ») – et oui, nous chipotons sur le vocabulaire, mais c’est notre métier.

 

            Ce qui est curieux, c’est que les descriptions officielles disent que cette plaque se trouve au 31-39 de la rue de la Folie-Regnault dans le XIème arrondissement de Paris.

La plaque est au 39 de la rue, sur un coin de la rue Ranvier (qui n’avait pas de nom quand ses quatre bâtiments furent construits). Le 39, où une épicerie Goulet-Turpin survécut jusque dans les années 1980. Le 39, en face du 40[1], où une façade bizarro-moderne vous accueille aujourd’hui, mais où les petites entreprises des étages semblaient couver le bougnat qui opéra longtemps dans la cour.

La plaque est au 39, alors que la famille Malaussène est sensée habiter au 78 de la rue. Est-ce parce que le 39 avait un grand mur tout vide ? Parce que le 78 n’a pas de grand mur tout vide ? Parce que mettre une plaque parlant du 78 au 77 serait étrange à souhait ? Peut-être est-elle au 39 parce que c’est la moitié de 78 ou que les têtes pensantes du Parcours littéraire ne voulaient pas que quelques curieux dérangent les résidents du 78 en leur demandant des nouvelles des Malaussène ?

Le choix de l’emplacement est curieux (les lecteurs de Daniel Pennac savent où Benjamin réside et ceux qui ne connaissent ni Malaussène, ni son auteur, auront le regard qui glissera sur la plaque comme un patineur sur la glace).

Les habitants du secteur qui lisaient Pennac se souviennent du chien noir de la boulangerie au coin de la rue de la Folie-Regnault et de la rue de la Roquette – si ce gentil toutou n’a pas été l’inspiration pour le Julius de la famille Malaussène, c’est un sacré hasard (mais la réalité peut être plus givrée que la fiction, alors… allez savoir !).

La Saga Malaussène se compose d’Au bonheur des ogres (1985), La Fée Carabine (1987), La Petite Marchande de prose (1990), Monsieur Malaussène (1995), Des chrétiens et des maures (1996), Aux fruits de la passion (1999), Le Cas Malaussène 1 : Ils m'ont menti (2017) et Le Cas Malaussène 2 : Terminus Malaussène (2023).

Daniel Pennac, auteur fascinant qui fut notamment enseignant et à qui l’on doit cette autre petite merveille qui a pour titre Comme un roman (1992) où il nous livre les possibilités de liberté de chaque lecteur, a imaginé la famille Malaussène. La fratrie est un patchwork incroyable, la mère est… comment dire ? unique, les pères ne sont pas dans le tableau, le chien est épileptique et la glue de la famille est l’aîné, Benjamin, à qui il arrive toutes sortes de choses surprenantes – et pas seulement parce que son métier c’est d’être bouc émissaire professionnel (en cas de bourde, c’est lui qui se fait passer un savon).

Les histoires suivent la chronologie (Des chrétiens et des maures fait un retour en arrière, mais c’est la seule histoire à chronologie différente). Si vous ne connaissez pas déjà les Malaussène, Au bonheur des ogres vous fera considérer les mesures de sécurité que nous avons aujourd’hui dans les pattes d’un autre œil. Si, si.

 

            Bref, allez à la chasse aux plaques littéraires, penchez-vous également sur toutes les plaques commémoratives et lisez du Pennac si ce n’est déjà fait[2].

 



[1] : Relativement normal, mais on peut avoir des surprises de numérotation parfois.

[2] : Si c’est déjà fait, relisez du Pennac.