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Écouen - sa forêt, son château, son musée

            Nous nous souvenons d’une visite au Louvre et d’une visite au château de Vincennes alors que nous étions à l’école primaire.

            Il y eut aussi une visite de Versailles (toujours en primaire) qui aurait dû avoir lieu pour notre classe, mais qui fut accordée à une autre.

            Nous nous souvenons de pièces de théâtre et de films au collège et au lycée (nos années de prépa nous envoyèrent vers des destinations plus… exotiques).

            Dans toute notre scolarité, alors que nous étions en classe à Paris, il ne fut jamais question d’aller visiter le musée national de la Renaissance, mais il est vrai que la logistique est infernale si vous voulez visiter un musée avec une classe – et si vous ajoutez un car scolaire afin de transporter les élèves, l’enfer se fait beaucoup plus chaud.

            Il est dommage que nos enseignants n’aient pas eu la possibilité de nous emmener à Écouen, car le musée et son domaine sont absolument splendides.

 

            Nous avions planifié notre visite un lundi et nous avons eu la chance qu’il n’y ait pas trop de visiteurs ce jour-là, ce qui fait que nous avons pu prendre en photo d’incroyables perspectives.

Mais parlons déjà du trajet jusqu’à Écouen.

La page d’information du musée est très bien faite ; nous n’avons pas testé l’itinéraire recommandé pour les voitures, mais le parcours « transilien » indiqué était parfait : il suffit d’emprunter la ligne H au départ de la gare du Nord (voie 30 ou 31) et 25 minutes plus tard, on arrive à la gare d’Écouen-Ézanville.

Là, vous pouvez prendre un bus qui vous dépose tout près du château, mais pourquoi voudriez-vous vous priver d’un « bain » de forêt ? Certes, le chemin monte, mais quel bonheur de verdure !

Toujours sur la page d’information du musée, vous avez un petit plan afin de traverser la forêt jusqu’au domaine – c’est vraiment un très petit plan, mais il aide bien. En revanche, au premier embranchement, alors qu’un panneau vous indique la direction du musée sur la gauche, nous vous recommandons de prendre à droite :

            Quand vous arrivez au carrefour, prenez la route du Luat. Respirez, écoutez les oiseaux et admirez le paysage (ça donne envie de revenir avec un pique-nique et un bon gros livre) :


            Tout en haut d’une petite côte, vous arriverez à une des grilles du domaine. Si elle est fermée, suivez le mur sur la gauche et vous arriverez à une porte qui, elle, sera ouverte. Allez tout droit et rattrapez l’allée principale (qui monte encore, ce qui est logique puisque ce château fut bâti sur une colline et qui était tout à fait normal et logique pour l’époque).

Là vous arriverez au château qui abrite le musée :


            Si votre curiosité l’emporte et que vous allez sur la gauche, vous pourrez admirer la façade principale :


            Cependant, il vous faudra revenir sur vos pas et aller sur la droite afin d’arriver à l’entrée du musée (les très anciennes fenêtres sont en train d’être remplacées et il y a des travaux sur certaines façades ; d’un côté, il faut bien viser pour prendre des photos sans les échafaudages, mais le tarif réduit est appliqué à tous les visiteurs en ce moment) :


            Les terres où s’élève le château actuel appartenaient à la famille Bouchard de Montmorency et l’excellente situation géographique fait qu’une forteresse médiévale y avait été bâtie depuis quatre siècles quand Anne de Montmorency la fit détruire afin de faire construire un château digne de son rang et digne de la Renaissance.

Anne de Montmorency (Chantilly, 15 mars 1493 – Paris, 12 novembre 1567) était un homme extraordinaire. Sa famille était proche de la famille royale ; d’ailleurs, même si « Anne » peut être un prénom masculin, de Montmorency fut nommé Anne en l’honneur de sa marraine, la reine Anne de Bretagne (Nantes, 26 janvier 1477 – Blois, 9 janvier 1514), qui fut l’épouse de Charles VIII (1470-1498) et de Louis XII (1462-1515).

La proximité avec la famille royale fit que Montmorency fut élevé avec le futur François Ier (1494-1547) et en 1527, il épousa une cousine du roi, Madeleine de Savoie (1510-1586), avec qui il eut douze enfants (il eut aussi une fille illégitime).

Montmorency avait hérité de nombreuses terres et possessions et il fit fructifier son héritage. Son talent au service des rois de France fit qu’il augmenta le nombre de fiefs en sa possession (Écouen et Chantilly semblent avoir eu une place particulière dans ses attentions). En 1526, il fut Grand Maître de France (c’est-à-dire qu’il était chef de la Maison du roi). François le nomma Connétable (c’est-à-dire chef des armées) en 1538. En 1551, Henri II (1519-1559), qui était fort attaché à Montmorency, éleva la baronnie de Montmorency en duché-pairie.

Ce fut au service de Charles IX (1550-1574) que Montmorency mourut, après avoir été mortellement blessé lors de la bataille de Saint-Denis le 10 novembre 1567.

Le château d’Écouen resta dans la famille de Montmorency jusqu’en 1696 : Henri II de Montmorency (1595-1632) fut décapité sur ordre de Richelieu (1585-1642), qui en profita afin de saisir le château, mais il fut éventuellement rendu à la demi-sœur d’Henri, Charlotte de Montmorency (1571-1636). Cette dernière était l’épouse de Charles d’Angoulême (1573-1650) et leur fils aîné, Louis-Emmanuel d’Angoulême (1596-1653), eut une fille, Marie-Françoise (1631-1696), duchesse d’Angoulême et duchesse de Joyeuse par son mariage avec Louis de Lorraine (1622-1654) qui le légua à la famille des Condé (ces derniers possédaient déjà Chantilly).

Pendant la Révolution, le château fut utilisé comme prison militaire et comme hôpital.

Ce fut Napoléon (1769-1821), en 1805, qui transforma le château en institution pour les filles de la Légion d’honneur. Le site du musée nous apprend qu’en « octobre 1807, après la reconstruction d'une aile orientale, la rentrée des élèves se fait sous la direction de l'intendante Madame Campan à laquelle Napoléon avait dit : " Faites-en de bonnes mères de famille catholique, je ne veux pas de bas-bleus ". » Toujours aussi charmant cet empereur.

Louis XVIII (1755-1824) rendit le château aux Condé, qui n’en firent pas grand-chose, et en 1850, un autre Bonaparte, Louis-Napoléon (1808-1873), y installa la Maison de la Légion d’honneur, où des générations de jeunes filles furent instruites jusqu’en 1962. À  partir de cette année-là, le château fut transformé en musée.

            Il fallut de longs travaux afin que le musée national de la Renaissance ouvre ses portes en 1977.

Les Condé avaient abattu l’aile d’entrée et les vitraux de la galerie de Psyché se trouvent aujourd’hui au château de Chantilly certains pavements ont aussi été déplacés.

Les meubles, emportés à la Révolution, se trouvent en grande partie dans d’autres musées et au château de Chantilly.

L’Esclave rebelle et l’Esclave mourant de Michel-Ange (1475-1564) qui étaient dans des niches de l’aile d’entrée du château (celle qui fut détruite par les Condé), sont maintenant au Louvre. Henri II les offrit à Richelieu peu de temps avant que ce dernier ne le fit exécuter ; après avoir voyagé de résidence en résidence, ces statues entrèrent au Louvre à la Révolution

Certaines collections présentées proviennent de dons et certaines œuvres étaient conservées au musée de Cluny, qui n’avait pas assez de place afin de les exposer.

Le musée d’Écouen est le seul uniquement consacré à la renaissance.







            Le site en lui-même est une merveille, mais ce qui surprend, parce que les séries et les films nous conditionnent à croire que Moyen-Âge et Renaissance étaient ternes, c’est la couleur.

Aujourd’hui, certaines salles ont perdu certaines de leurs couleurs, mais, à l’origine, il y avait de la couleur du sol au plafond. Littéralement. L’effet produit est magnifique… magique… presque irréel. Pourtant, les sols déplacés d’une salle à l’autre et quelques cheminées dont le décor peint n’est plus complet nous rappellent que lorsque le château était habité par Anne de Montmorency l’éventail de couleurs était encore plus grand et prestigieux qu’il ne l’est aujourd’hui.

 

            Du 2 juillet au 3 novembre 2024, il y a, à Versailles, une exposition « Cheval en majesté – au cœur d’une civilisation » et Versailles a un partenariat avec Écouen où sera présenté, du 16 octobre 2024 au 27 janvier 2025, l’exposition « À cheval : Le portrait équestre de la France de la Renaissance ».

 

Bref, si vous ne connaissez pas Écouen, sa forêt, son château et son musée, n’attendez plus afin d’aller découvrir ces merveilleux trésors – et pensez au pique-nique en forêt (et ne laissez rien derrière vous ou nous vous lancerons quelque malédiction égyptienne bien sentie).



Curiosités de musées : Antinoüs... et Hadrien [Musée de la Renaissance]

Une semaine après avoir (re)croisé Antinoüs (vers 111-130) au Louvre, nous l'avons cette fois-ci découvert dans un autre musée de la région parisienne : le musée national de la Renaissance au château d’Écouen - d'ailleurs, nous vous parlerons bientôt plus longuement de ce musée.

Dans la magnifique galerie de Psyché, au premier étage (salle 22), se trouvent notamment de somptueuses tapisseries.

Cette pièce d’apparat des appartements d’Henri II (1519-1559) est magnifique ; le pavement d’origine a été reconstitué en partie et peut être admiré dans la grande salle du Roi (salle 26). Ce fut le céramiste et faïencier rouennais Masséot (le petit Matthieu en dialecte local) Abaquesne (1500 ?-1564) qui réalisa ce pavement en 1542 ; son implication exacte dans les créations de la manufacture de faïence de Rouen est floue et il est  possible qu’il n’ait été que le directeur et coordinateur des céramistes de l’époque.

 

Pavement qui se trouvait à l’origine dans la galerie de Psyché

Cette galerie porte le nom de Psyché, car une série de vitraux, retraçant l’histoire de Psyché et d’Éros s’y trouvait jusqu’au XIXe siècle. En 1830, le duc de Bourbon les légua à son petit-neveu, le duc d’Aumale, qui fit alors aménager une galerie de Psyché… au château de Chantilly où ils se trouvent encore (https://chateaudechantilly.fr/collection/vitraux-de-lhistoire-de-psyche/). En voici un exemple :


Le récit qui inspira ces vitraux nous vient des Métamorphoses (aussi appelées L’Âne d’or) d’Apulée (124 ? – 180 ?). Ce que nous oublions souvent aujourd’hui, c’est que Lucius Apuleius (le « Lucius » est un peu tardif dans les manuscrits, mais quelques indices littéraires peuvent nous laisser penser qu’il s’agit bien de son prénom) est le premier récit à nous parler de la princesse Psyché. Son histoire, d’ailleurs, peut nous faire penser à un étrange mélange des trames de Cendrillon, La Belle et la Bête et La Belle au bois dormant – sans oublier des contes amazighs qui ont été récemment redécouverts (certainement (re)découverts par le reste du monde ; il est fort à parier que les populations autochtones d’Afrique du Nord se transmettaient cet héritage littéraire depuis la nuit des temps et ne l’ont jamais oublié). Étant donné qu’Apuleius était à moitié amazigh, son imaginaire à peut-être été inspiré par cette culture.

Oh ! Incidemment, nous connaissons ses origines mi-amazigh et mi-numide (« Seminumidam et Semigaetulum », [moitié numide et moitié gétule – « amazigh », à l’époque] De Magia – XXIV, 1) parce que son plaidoyer, intitulé De Magia, lorsqu’il dut se défendre de ne pas avoir ensorcelé sa riche épouse, Aemilia Pudentilla,  (la belle-famille d’un fils de la veuve s’offusquait de voir la fortune de cette dernière se détourner d’eux et ils encouragèrent certains de ses enfants et le frère de son premier mari à contester le mariage), nous est parvenu et nous savons donc que la défense d’Apuleius fut excellente – et victorieuse.

En plus des tapisseries gigantesques qui ornent aujourd’hui les murs, l’une des deux cheminées représente Diane et Actéon, l’autre Le Christ et la Samaritaine. Les sculptures sont superbes ; les autres cheminées du château sont, pour la grande majorité, peintes, comme il était de coutume à l’époque. Ce château est un magnifique exemple de la Renaissance, mais le Moyen Âge était tout aussi coloré et le cliché monochrome, sombre et sévère que séries et films nous présentent aujourd’hui est aux antipodes de la réalité (sur le sujet, nous vous recommandons le passionnant ouvrage de l’historienne Justine Breton : Un Moyen Âge en clair-obscur, Rabelais, 2023 et si elle revient faire une autre conférence au musée de Cluny, allez-y !). Voir cette réalité historique est un vrai bonheur.

La galerie de Psyché, quand Henri II y passait devait être une féérie de couleurs.

 



Cette salle en elle-même est déjà un délice, puis, au milieu de la galerie, près d’une fenêtre, vous trouvez un buste d’Antinoüs et, de l’autre côté de la fenêtre, un buste d’Hadrien (76-138).



 


Ces bustes sont en bronze, montés sur piédouche. Nous savons qu’ils étaient au Louvre au département des sculptures du Moyen Âge, de la Renaissance et des temps modernes et qu’ils sont en dépôt à Écouen depuis 1977, donc, dès l’ouverture du musée de la Renaissance.

En revanche, si nous savons qu’ils sont « d’après l’antique » et probablement fondu en France, le reste de leur histoire est un mystère. Même leur date de création est inconnue : leur fiche indique « 1500 / 1900 (XVIe siècle - XIXe siècle) », ce qui est assez vaste et comme ces bustes sont des copies, Royston Lambert ne nous est d’aucun secours.

Qui sait, lors d’une visite aux Archives nationales, peut-être trouverons-nous une piste afin d’élucider le mystère d’Écouen où Antinoüs et son impérial amant ont trouvé refuge dans un écrin ?