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Quid ?

         Tout est histoire… mais aujourd’hui nous allons vous parler de traduction – de l’histoire contemporaine en quelque sorte.

Il arrive que certains concepts puissent permettre des équivalences entre certaines langues.

Il arrive que des expressions idiomatiques nous offrent des images bien particulières (notamment, le français « il tombe des hallebardes » devient « it’s raining cats and dogs (il pleut des chats et des chiens) » en anglais).

Bref, la traduction est tout un art qui nous fait nous arracher les cheveux ou nous permet de nous amuser comme des fous.

Parfois, nous pouvons avoir de curieuses surprises. Que voulons-nous dire ? Par exemple, en 2008, nous avions remarqué un film franco-italo-britannique sur l’histoire de Georgiana, duchesse du Devonshire (le Devon aujourd'hui) dont le titre The Duchess ne fut pas traduit lors de la sortie du film en France :

En revanche, ce film s’intitulait La Duchesse dans les salles québécoises.

Nous sommes donc en présence d’une décision de non traduction du titre du film et ce alors même que ce titre de noblesse existe en France et au Royaume-Uni.

Le titre dans les salles françaises est surprenant, mais pas unique (après tout, le film de science-fiction Alien (1979) ne fut pas traduit en Extra-terrestre (Petit homme vert ? Créature de l’espace ?), mais notons toutefois qu’on lui donna un sous-titre : Le 8ème passager. Il est en revanche à noter que la compagnie Disney s'efforce de tout traduire (titres, dialogues et chansons) afin que la compréhension soit totale.

            Pour ce qui est de The Duchess, nous sommes bien en présence d’un titre en anglais. Il est dommage qu’il n’y ait pas un adjectif pour accompagner le titre, car les règles qui régissent le majuscules étant différentes en français et en anglais, nous aurions pu savoir ce que souhaitait les producteurs du film : imaginons que le titre soit The Young Duchess en anglais (majuscule pour le premier mot, l’adjectif et le nom commun), nous aurions eu au Québec La Jeune duchesse et The Young duchess en France (majuscule pour l’article défini et le premier mot du titre selon les règles françaises).

            Pour avoir travaillé dans le milieu cinématographique, nous savons qu’il est tout à fait possible qu’un producteur ait tout simplement décidé que The Duchess faisait plus exotique, plus vendeur.


            Autre traduction, américaine cette fois, qui reflète notre présent : en 1924, les studios Metro Pictures et ceux de Samuel Goldwyn (1879-1974) et de Louis B. Mayer (1884-1957) fusionnèrent et la Metro-Goldwyn-Mayer (MGM) vit le jour.

Leur logo a un lion rugissant et le slogan « Ars gratia artis », qui est la traduction littérale en latin du français « l’art pour l’art » qui est en général attribué à Théophile Gautier (1811-1872) qui évoqua ce concept dans la préface de son roman de 1835, Mademoiselle de Maupin.

Ce n’est que récemment (nous n’avions peut-être pas visionné de films produits par la MGM depuis 2021, date du changement de logo et arrivée d’un lion créé par ordinateur – ou nous n’avions pas fait attention au logo, ce qui est possible) que nous avons remarqué que le latin du logo est brièvement traduit aujourd’hui :


Ce n’est qu’un détail et, certes, tout le monde ne lit pas le latin, mais cette traduction a un petit goût de nivellement par le bas, plus que celui d’une explication : « Vous ne comprenez pas le texte du logo, ne demandez rien à un navigateur sur Internet, nous vous donnons le texte en anglais – parce que le monde entier comprend l’anglais, of course ! ». C’est tellement américain. Enfin, il faut sans doute se réjouir que le latin n’ait pas été tout simplement éliminé.


            En parlant de latin… Retour en France, où une série, disponible sur la plateforme d’Amazon, Prime, s’appelle Those About to Die (basée sur le livre de Daniel P. Mannix (1911-1997) qui fut publié en 1958). Les majuscules nous informent que le titre en anglais a été conservé littéralement – parce que le monde entier comprend l’anglais, of course ! (Notre point d’exclamation est français[1]. Notons aussi que la majuscule sur About est correcte en style AP, mais pas en style MLA.) Il y a toujours eu des langues qui servirent pour la communication entre les peuples (le grec, le français, l'anglais...), mais il y a toujours une partie de la population qui est laissée sur le bas-côté de la route - parce que la langue de communication ne lui est pas apprise ou parce qu'il ne faut pas oublier qu'apprendre une langue étrangère n'est pas à la portée de tout le monde (et se souvenir d'une langue étrangère demande une utilisation régulière, ce qui n'est pas non plus à la portée de tous).

Quitte à chercher la petite bête (mais c'est aussi notre autre métier), en français, on élide le « de » devant une voyelle, donc « Par le réalisateur de Independence Day » en haut de l'affiche de la série devrait être « Par le réalisateur d'Independence Day » et la règle vaut pour les h muets : « les poèmes d'Hugo » ou « la poule au pot d'Henri IV ».

            Si nous avions été responsable de la promotion de cette série, le titre n’aurait pas été en anglais, ni même en français avec Ceux qui vont mourir. Non. Nous aurions traduit le titre en latin : Morituri. Il nous semble que « Ave Cæsar, morituri te salutant ! » devrait être plutôt connu ici[2].

Puisqu’un producteur aurait sans doute objecté qu’il y a plusieurs films qui s’appellent Morituri, nous aurions pu lui rétorquer que ce serait la première série avec ce titre. De plus, comme pour Alien, un sous-titre serait tours envisageable… quelque chose comme Vies de gladiateurs, Le Cirque de Rome ou même Les Jeux du cirque. Il y avait tant de possibilités. Ah, mais... d'ailleurs... Il y a un sous-titre : S'élever ou mourir. Donc, quelqu'un est parti du principe que le monde entier comprend l’anglais et on garde le titre d'origine. Le slogan de la MGM est peut-être Ars gratia artis, mais pour les producteurs frileux et sans la moindre imagination, c'est presque toujours « le profit, toujours le profit », mais surtout sans danger, ce qui explique que 99% des productions sont basées sur des ouvrages qui ont déjà fait leurs preuves auprès du public (si le lecteur a aimé, le spectateur sera au rendez-vous).

L’art pour l’art ? Ne rêvez pas trop. L’originalité fait trembler dans ses bottes le producteur de base.

L’art est mis de côté au profit du marketing et en comptant sur le profit à venir.

Alien tenait la route en titre de science-fiction, mais The Duchess et Those About to Die ne sont que du marketing.

Qui sait quelles surprises et merveilles nous aurions si les sesterces ne dominaient pas tout…

            Allez ! Salve, Lector !



[1] : Petite note de rappel pour nos étudiants : en français, il faut un espace avant et après un signe double (« Quelle surprise ! »), mais pas en anglais (‘What a surprise!’). [Au passage, notez la différence dans les guillemets.]

[2] : Mes chers étudiants, préparez-vous pour un petit sondage amical à la rentrée.