Le jour où nous avons visité l'exposition de la collectionTorlonia , les marbres antiques furent la dernière partie de notre visite.
En fait, nous étions allée au Louvre afin d’admirer le couple Marten Soolmans et Oopjen Coppit – les deux toiles de Rembrandt achetées conjointement par la France et la Hollande (Aile Richelieu, 2ème étage, salle 844), mais avant d’aller au rez-de-chaussée pour l’exposition Torlonia, nous sommes passée par les appartements Napoléon III (Aile Richelieu, 1er étage, salles 539 à 549) qui ont été restaurés à partir de septembre 2023 et sont de nouveau accessibles au public depuis juin 2024.
Il n’est pas surprenant que ces salles aient eu besoin de quelques soins.
Créées entre 1858 et 1861 sur ordre de Napoléon III (1808-1873) pour son ministre Achille Fould (1800-1867), elles furent des appartements pour le ministre et le ministère d’État et ses salles de réception, puis devinrent le siège du ministère des Finances après les incendies de la Commune en 1871 dont ce ministère fut une des victimes.
Ce ministère occupa cet espace jusqu’en 1989.
La transformation de ces salles afin qu’elles puissent faire partie du musée du Louvre dura jusqu’à leur inauguration officielle en 1993.
À l’origine, en 1858, l’architecte Hector Martin Lefuel (1810-1880) était à la tête du projet, mais tout avait commencé lorsque Napoléon III avait enfin mis en route le « grand dessein ».
Depuis le règne d’Henri IV (1553-1610), il était question de réunir le Louvre aux Tuileries et il y eut de très nombreux projets, mais ce ne fut que dans la seconde moitié du XIXe siècle que le chantier fut mis en route. Incidemment, il est heureux que certains de ces projets n’aient pas aboutis, car certains architectes avaient des projets fort jolis sur papier, mais fort destructeurs dans la réalité.
Ce fut Louis Visconti (1791-1853) qui fut chargé du projet – mais seulement pour des travaux au Louvre selon les ordres de l’Assemblée nationale en 1848.
Le coup d’état du 2 décembre 1851 changea tout et Napoléon III, président devenu empereur des Français, demanda immédiatement à Visconti de lui présenter un projet qui réunirait le Louvre aux Tuileries.
Les travaux commencèrent dès la fin juillet 1852, mais Visconti mourut le 29 décembre 1853. Napoléon III confia le chantier en cours à Lefuel – même si ce dernier ne fut officiellement nommé à la tête du projet qu’en 1855 car il était encore sur le chantier de la nouvelle salle de théâtre du château de Fontainebleau.
Le palais des Tuileries et l'arc de triomphe du Carrousel, vers 1865[1]
Tout le chantier était encore en ébullition quand Lefuel se pencha, entre 1858 et 1861, sur la question de la décoration des onze pièces où Fould devrait vivre avec sa famille et travailler avec l’empereur et ses collaborateurs.
Il y avait les petits appartements pour la famille et les grands appartements pour le travail, les réceptions et les dîners d’état.
Dans les grands appartements, on trouve notamment une grande salle à manger avec une table pouvant accueillir jusqu’à quarante personnes.
La grande salle à manger
Il y a aussi le salon-théâtre, espace qui pouvait être transformé en véritable scène de théâtre et, si besoin était, il y avait même un espace caché pour des musiciens.
Le salon-théâtre (portrait de l’impératrice Eugénie (1826-1920) par Franz Xaver Winterhalter (1805-1873), fauteuils, canapé, indiscrets[2] et console)
Le salon-théâtre est séparé du Grand Salon par un rideau de scène et le Grand Salon pouvait être vidé de ses meubles afin d’accueillir deux cent soixante-cinq spectateurs. Cette pièce est magnifique ; le canapé central a été conçu afin d’avoir des plantes en son centre, de nombreux fauteuils – dont un certain nombre d’indiscrets – et de chaises se trouvent dans la pièce où tapis, sculptures, peintures et lustres (le lustre central est en cristal de Baccarat) témoignent encore aujourd’hui de certains fastes du Second empire.
Vue générale du Grand Salon
Détails du décor du Grand Salon
Petit lustre de cristal vu d’en dessous
Dans ces salles, tout est à admirer : les parquets, les tapis, le mobilier, les murs, les peintures (l’art du trompe-l’œil est partout présent), les cheminées, les lustres…
Les meilleurs artistes du temps participèrent à ce projet. Nous devons les sculptures à Louis Alphonse Tranchant (1822-?)[3], les peintures furent confiées à Charles-Raphaël Maréchal (1825-1888) pour le Grand Salon et Eugène Appert (1814-1867) pour la grande salle à manger[4], les plus grands bronzes furent réalisés par la fonderie Barbedienne, l’orfèvrerie fut sous la responsabilité du génial Charles Christofle (1805-1863) et les marbres sont de René Langlois[5] - pour ne citer qu’eux, mais il ne sont que quelques noms parmi toute une ruche d’artistes et d’artisans qui créèrent un magnifique écrin qui est parvenu jusqu’à nous.
Aujourd’hui, grâce à quelques mécènes, les ateliers de métiers d’art du Louvre et le groupement de conservation-restauration Petit & Chatain ont pu travailler dans les appartements Napoléon III et restaurer ce qui devait l’être.
Le Grand Salon avait déjà été restauré en 2017, mais toutes les pièces ont été nettoyées et réparées cette fois-ci. Les fenêtres ont été remplacées afin de garantir de meilleures conditions de conservation – notamment pour le Grand Salon qui est très exposé au soleil.
Les appartements sont de nouveau accessibles au public.
Si vous n’avez pas la possibilité de vous rendre au Louvre, le musée a mis en ligne une vidéo afin de vous faire visiter ces pièces en musique :
Si la restauration et le travail effectué vous intéressent, il existe une série de vidéos sur le sujet :
Les appartements Napoléon III - Épisode 1 : L'histoire d'un décor prestigieux
Épisode 2 : L'art du trompe-l'oeil
Épisode 3 : Bois et dorures
Épisode 4 : Nouvelle mise en lumière
Épisode 5 : Velours et passementeries
[1] : Il est fascinant de voir que depuis 1871, date à laquelle nous avons perdu le palais des Tuileries à cause des incendies de la Commune, il y a eu plusieurs projets de reconstruction – plus ou moins sérieux. Aujourd’hui encore, certains parlent de reconstruire le palais perdu.
[2] : Ces curieux fauteuils sont la version à trois places des confidents.
[3] : Voici encore un artiste « disparu ». Il est né à Verneuil le 28 octobre 1822 et a épousé Sophie Gabrielle Duchenne à Montmartre le 28 décembre 1850. Il a donc travaillé sur le chantier du Louvre. Où et quand est-il mort ? Excellente question – dont la réponse nous échappe pour l’instant.
[4] : La commande fut faite le 31 décembre 1860 pour 6 000 francs, Appert fut intégralement payé le 5 mars 1861.
[5] : Ce marbrier qui travailla au tombeau de Napoléon Ier était peut-être né en 1801.