À Nice, au coin de la rue des Boers et de la rue du Soleil, se trouve une ancienne villa qui fut pendant quelques années la propriété de Georges et Adèle Doublet : la Villa Minerve.
Photo de la villa le 21 juin 2024
Au sujet de cette villa, dans Demeures d’azur : Nice de Didier Gayraud (publié à Breil-sur-Roya par Les Éditions du Cabri en 1998 et dont un extrait est téléchargeable en PDF ici), vous pourrez lire : « C’est en 1897 que Georges Doublet, professeur de rhétorique au lycée de Nice, fit bâtir dans le quartier de Saint Barthélémy une villa qu’il baptisa Minerve.
Grand érudit, agrégé de lettres et historien, il passa une partie de sa vie à effectuer des fouilles en Grèce, en Crète, en Tunisie et en Algérie. Dans ce pays, il participa à la création des musées archéologiques d’Alger et de Constantine avant d’être nommé, de 1890 à 1892, chef du service beylical des antiquités et des arts.
De retour à Nice en 1897, Georges Doublet, très marqué par ses séjours en Afrique du Nord et par la civilisation arabe, choisit de faire édifier sa villa dans un style fortement inspiré du mauresque. Passionné d’histoire locale, ce normalien fut l’auteur de plusieurs ouvrages dont une « Histoire des Alpes-Maritimes » et écrivit de nombreux articles sur la ville de Foix où il enseigna durant trois ans. Il collabora également à diverses revues régionales telles que « Nice historique », « Le bulletin de la société des lettres et des arts des Alpes-Maritimes », « L’aloès », « L’Éclaireur de Nice »...
Georges Doublet habita la demeure jusqu’à la fin des années 1920, date a laquelle il la vendit à Monsieur Prévost. Il s’installa alors non loin de là à la villa Brin de Rêve (aujourd’hui disparue) où il termina sa vie en 1936.
Désormais encadrée d’immeubles, la villa Minerve a toutefois conservé son aspect originel. »
De même, à la page 283 de son article « Georges Doublet (Versailles 1863 – Nice 1936) » (publié dans la revue Provence historique en 2018, Luc Thevenon écrit : « Son originalité, liée au souvenir nostalgique du Maghreb, lui fit choisir, pour la villa qu’il fait construire à Nice dès 1898, un style mauresque de fantaisie. La villa « Minerve », nom qui n’est pas choisi au hasard, est conservée rue du Soleil (fig. 6). Il la vend fin 1920 à un certain Prévost. Mais il reste aux environs immédiats en emménageant dans une villa au n)1 rue des Boers. Puis en 1930 il s’éloigne à peine, restant dans le quartier Saint-Barthélemy en s’installant dans la ville « Brin de Rêve » avenue Stephen Liégeard. Contrairement aux précédents, cet édifice a été détruit ! »
Alors… Non. Non, non, et non.
Aujourd’hui, l’état civil de nos protagonistes et les hypothèques sont consultables en ligne, ce qui est un avantage, mais ces documents ont toujours été disponibles, en mairies et aux Archives départementales des Alpes-Maritimes.
Voici la véritable histoire de la villa « Minerve » : Georges Doublet (1863-1936) dû espérer très vite qu’il ferait le reste de sa carrière à Nice après avoir eu son premier poste d’enseignant à Foix, car il acheta une propriété dans le quartier de Saint-Barthélemy à Nice où se trouvait la « Villa Marius », villa d’inspiration mauresque pour le style et qui avait été édifiée par M. Palmero en 1887. Doublet la renomma-t-il « Villa Minerve » pour des raisons pratique en conservant le « M » initial ? c’est une possibilité, puisqu’il était plutôt helléniste que latiniste, mais nous n’avons pas réussi à déterminer si la lettre « M » décore de quelque façon cette villa.
Cette demeure se trouvait à près de trois kilomètres du lycée où Doublet enseignait, mais il y avait à l’époque très peu de constructions dans le quartier (au départ, la villa fut une construction isolée et la future rue des Boers n’avait pas encore de nom à ce moment-là). Il y avait un jardin devant et un derrière et la villa était élevée sur cave et rez-de-chaussée ; le terrain était clos de murs et avait une superficie totale d’environ 930 m².
Les propriétaires étaient : Hippolyte Aubry de la Noé, Louis Ravan et Louis Mayan (en 1882), les Palmero et les Curnier (en 1890). La propriété faisait partie d’un plus grand terrain et la vente se fit en deux temps.
Le terrain avait été initialement acheté au début du XIXe siècle par Louis Milon de Veraillon, son fils, Frédéric, en avait hérité, puis ses quatre enfants (trois fils et une fille), ce qui avait fait passer le terrain dans la famille Aubry de la Noé.
Le contre-amiral Charles Aubry de la Noé et son épouse, Mme Héloïse Marie Guynot de Boismenu, qui résidaient au 9, rue Sainte-Honorine à Cherbourg vendirent 811,5 m² aux Doublet pour 16 230 francs.
La villa fut vendue avec ses meubles par le propriétaire du casino de Boulogne, M. Marius Louis Curnier (d’où le nom initial de la villa), et son épouse Mme Jeanne Bathilde Cazaux, qui habitaient au 51, rue d’Amsterdam à Paris, 22 000 francs ; les meubles furent vendus pour 8 000.
Donc, pour 46 230 francs, les Doublet devinrent Niçois le 17 février 1896.
Les Doublet résidèrent Villa Minerve jusqu’en 1930 (donc, ni « la fin des années 1920 » (Gayraud), ni « fin 1920 » (Thevenon).
Le 19 janvier, ils achetèrent la « Villa Brin de rêve » et son jardin pour 85 000 francs à Mlle Rosset[1]. Ils en eurent la jouissance rétroactive à partir du 1er décembre 1929 (certes, les Doublet étaient dans les murs en 1929, mais l’acte de propriété date de 1930 lors de la signature de l’acte authentique).
La superficie du jardin était d’environ 225 m². La propriété avait au nord, l’avenue Stephen Liegeard, Castellane à l’est, le chemin de l’église au sud et un mur mitoyen avec Mlle Belhomme à l’ouest. Des agrandissements étaient possibles seulement au nord et au sud et les arbres ne devaient pas mesurer plus de quatre mètres.
Le 12 mars, les Doublet vendirent la Villa Minerve et son jardin, c’est-à-dire presque 800 m² en tout à M. Prévost[2].
La vente fut conclue pour 250 000 francs ; les Doublet reçurent 148 966,63 francs et 101 033,37 francs restants furent versés par Prévost en échéances au Crédit Foncier de France, au 19, rue des Capucines à Paris, en remboursement d’un prêt des Doublet pour 98 972 francs contracté le 28 août 1929 ; les Doublet n’avaient plus à être en communication sur ce sujet avec le Crédit Foncier.
Cette année-là, Prévost fit une demande pour construire un garage Villa Minerve et modifier la villa sur l’angle de la rue du Soleil et de la rue des Boers et Doublet déposa une demande pour construire une annexe avenue Stephen Liegeard.
Une carte postale ancienne se trouve en ligne et ce qui est intéressant est qu’elle porte le nom de Louis Prévost.
L’histoire de la Villa Minerve nous démontre une fois de plus l’importance de remonter aux sources et que généalogie et hypothèques peuvent contenir des trésors d’information.
[1] : Marguerite Flavie Rosset (Nice, 21 février 1900 – 21 août 1969) au moment de la vente était « célibataire majeure, sans profession » ; elle résidait avenue Stephen Liegeard à la « Villa La Madelon ». Elle épousa Victor Casteu (1902-1970) le 9 avril 1942 à Nice.
[2] : Louis Prévost était né le 2 novembre 1867 à Vatan. Il était déjà propriétaire au 15, rue du Soleil.