La vie et la carrière d'Adolphe Thiers (1797-1877) sont fascinantes, mais c'est sa passion pour la Chine qui nous intéresse ici. Il fut un véritable spécialiste français et européen du sujet, même s'il ne put réaliser son rêve de visiter ce pays dont la culture et l'art le captivaient tant.
L'organisation de cette exposition qui nous présente des pièces très diverses est assez innovante et il vous faudra bien presque deux heures pour tout admirer tranquillement dans les deux espaces d'exposition. Contrairement à d'autres expositions, il n'y a pas trop de visiteurs et on a le temps de s'arrêter sur certaines pièces sans sentir qu'une personne à côté attend d'avoir accès à ce que vous êtes en train d'admirer.
Il y a vraiment de tout. Des livres, des porcelaines, des jades, divers objets décorés... :
Il est un fait
relativement méconnu : l’art chinois est bien présent au Louvre. Le
département des Objets d’art conserve en effet plus de 600 œuvres d’origine
chinoise, principalement issues des collections d’Adolphe Thiers et d’Adèle de
Rothschild et des collections royales. Parmi elles se trouvent de véritables
trésors. De récents travaux ont mis en lumière celles de la collection Thiers,
journaliste, historien, figure politique majeure du 19e siècle (député,
ministre, président du conseil et, enfin président de la République française).
L’exposition se
donne pour vocation de révéler au grand public ces œuvres
exceptionnelles, en les rapportant au contexte historique, diplomatique
et culturel de leur création, puis de leur collecte par Thiers. Elle met en
lumière la passion jusqu’alors méconnue de Thiers pour la Chine. Elle
rassemblera plus de 170 œuvres datant majoritairement du 18e et du 19e
siècle : rouleaux, pages d’albums, gravures, estampes, porcelaines, jades,
laques, ivoires, bronzes ou en bois incrustés de pierres et de nacres…
La première section
présentera brièvement Adolphe Thiers, son regard particulier sur l’art, son
approche de la collection, sa passion pour la Renaissance. La seconde section,
formant le cœur de l’exposition présentera la collection chinoise, prise dans
son ensemble. Thiers voulant écrire sur l’art chinois collectionnait livres sur
la Chine, documents et objets d’art de manière concomitante. L’exposition suit
les grands thèmes que l’on peut observer dans sa collection : l’histoire
ancienne et contemporaine, les images de la Chine (paysages, architecture,
costumes), quelques thèmes clés de la culture chinoise (la langue, l’écriture,
les lettrés), les « trois sagesses » (bouddhisme, taoïsme,
confucianisme), la porcelaine chinoise – dont il était un expert reconnu, et,
enfin, l’art impérial. Dans ce dernier domaine, la collection compte plusieurs
chefs-d’œuvre, dont un exceptionnel rouleau du Qingming Shanghe Tu
réalisé pour l’empereur Qianlong.
Cette
exposition est une première mondiale. En effet, la dernière exposition consacrée aux Mamelouks remonte au début des années 1980 et ne fut présentée qu'aux États-Unis ; de plus, elle présentait une mise en scène par matériaux (on expose par thème aujourd'hui).
Comptez deux heures pour tout admirer sans courir ; c'est une exposition très riche et qui présente des pièces magnifiques :
Bassin, bol, brûle-parfum en cuivre incrusté d'or, d'argent et de pâte noire (en arrière-plan, une projection sur la totalité des trois murs - les images défilent, donnant l'impression d'être dans un ascenseur, donc profitez du banc mis à disposition afin d'admirer cette présentation de quelques minutes)
Céramiques et pièces en verre :
et le célèbre baptistère de Saint-Louis :
Donc, si vous le pouvez,
direction Hall Napoléon au Louvre…
Pour vous donner une idée du sujet, voici sa bande-annonce :
Clef de la Kaaba au
nom du sultan Faraj (1399-1412), Égypte, vers 1399-1412.
Alliage ferreux
coulé, damasquinure d’or et d’argent, Paris, musée du Louvre, département des
Arts de l’Islam
Pour la première
fois en Europe, le musée du Louvre présente une exposition majeure sur le
sultanat mamlouk (1250-1517), qui vise à aborder dans toute son ampleur et sa
richesse cet âge d’or du Proche-Orient islamique, en l’inscrivant dans une
perspective transrégionale.
Esclaves militaires
d’origine majoritairement turque puis caucasienne, les Mamlouks ont construit
leur légende sur leur puissance guerrière. De 1250 à 1517, le sultanat mamlouk
a vaincu les derniers bastions des croisés, combattu et repoussé la menace des
Mongols, survécu aux invasions de Tamerlan et maintenu à distance ses menaçants
voisins turkmènes et ottomans avant de succomber à l’expansionnisme de ces
derniers. Il embrasse un vaste territoire qui comprend l’Égypte, le Bilad
al-Sham (Syrie, Liban, Israël/Palestine, Jordanie), une partie de l’est de
l’Anatolie et le Hedjaz en Arabie où sont situées La Mecque et Médine.
Mais l’histoire du
sultanat mamlouk ne saurait se limiter à ses conquêtes et faits d’armes. Sa
culture tout aussi complexe et protéiforme que sa société participe d’une
époque médiévale méconnue et singulièrement mouvante. Un monde où se croisent
sultans, émirs, riches élites civiles activement engagés dans le mécénat. Une
société plurielle où les femmes comme les minorités chrétiennes et juives ont
une place. Un autre « empire du Milieu » où convergent l’Europe, l’Afrique et
l’Asie et au sein duquel les personnes et les idées circulent au même titre que
les marchandises et les répertoires artistiques.
Conçue autour de
cinq sections (les Mamlouks, leur société, leurs cultures, leurs connexions
avec le monde et leur art), l’exposition présente près de 260 œuvres dont un
tiers provient des collections du Louvre et du musée des Arts Décoratifs, à
côté de prêts nationaux et internationaux prestigieux. Textiles, objets d’art,
manuscrits, peintures, ivoires, décors de pierre et de boiserie dévoilent un
monde artistique, littéraire, religieux et scientifique foisonnant. Le sultanat
est alors le cœur culturel du monde arabe et l’héritier de hautes traditions.
La culture visuelle mamlouke marquera durablement l’histoire de l’architecture
et des arts.
L’exposition, à
travers une scénographie spectaculaire, des espaces immersifs et des
dispositifs variés, invite les visiteurs à faire une expérience vivante du
monde des Mamlouks. Le parcours proposera aussi des rencontres avec des
personnages historiques représentatifs de la société mamlouke, racontant des
histoires singulières au sein de la grande Histoire.
Voici
une occasion inédite de découvrir cet empire glorieux et pourtant méconnu, à
travers des chefs-d’œuvre venus du monde entier, offrant un autre regard sur
l’Égypte et le Proche-Orient médiévaux, alors au centre des échanges entre
l’Asie, l’Afrique et l’Europe.
Si vous souhaitez « faire vos devoirs » avant d'aller visiter cette exposition, cette conférence vous expliquera sur quelles pièces vous attarder :
Il est bien temps que nous vous
parlions de cette exposition puisqu’elle fermera ses portes le 30 juin 2025.
Quand
nous l’avons visitée, elle n’était pas très clairement indiquée. En fait, il
faut rentrer du côté « Aile Richelieu » et l’exposition se trouve à
quelques mètres sur la gauche (là où les trésors de Notre-Dame avaient été
exposés).
Il
n’y a que quelques salles, mais elles nous présentent des œuvres très
intéressantes.
À
gauche, dans la première salle (rentrez et retournez-vous), un Lièvre entouré
de plantes, peint vers 1584[1] nous
accueille.
Cette
œuvre d’Hans Hoffmann (Nuremberg ? 1545/1550 – Prague, 1591/1592)[2] est une
aquarelle et gouache sur parchemin monté sur bois – et le lièvre n’a vraiment
pas l’air rassuré.
L’œuvre
qui a servie pour l’affiche de l’exposition, Le Printemps (1589) de
Joris Hoefnagel (Anvers, 1542 – Vienne, 1600), est très petite :
Notre
photo est floue (encore !) donc nous empruntons celle du Louvre
Les
détails sont très intéressants.
Il y
a des dessins, des tableaux réalisés avec des minéraux, des coupes diverses et
variées en différents gemmes plus ou moins précieux… Il y a un Giuseppe
Arcimboldo (Milan, 1526-1593) qui
représente Rodolphe II en Vertumne :
Grand protecteur des
arts et des sciences, l’empereur Rodolphe II (1552-1612) était l’un des
souverains européens dont l’enthousiasme pour l’étude de la nature était le
plus vif. Il appela à sa cour des savants et des artistes venus de toute
l’Europe, qui travaillèrent à proximité les uns des autres dans l’enceinte du
château, faisant de Prague un véritable laboratoire, un lieu d’expérimentation,
dans un climat propice de tolérance intellectuelle et religieuse.
La première partie
de l’exposition présentera cette convergence des regards scientifiques et
artistiques sur la nature, particulièrement sensible à la cour de Prague. Elle
se caractérisait d’abord par une nouvelle approche, directe, scrutatrice. Les
artistes participèrent activement aux premiers balbutiements de l’empirisme,
non seulement par la confection d’instruments de mesure scientifiques aussi
esthétiques qu’innovants, mais encore par leurs dessins de plantes et
d’animaux, contribution majeure à l’entreprise d’inventaire du vivant qui
animait alors les sciences naturelles. Comme les savants, ils s’intéressèrent
également aux forces cachées à l’œuvre dans la nature, qu’ils évoquèrent par le
truchement de l’allégorie. Tous partageaient une même culture humaniste,
essentiellement livresque et héritée de l’Antiquité, mais le système cohérent
décrit dans ces ouvrages ne résista pas à l’observation attentive d’une nature
changeante et capricieuse.
La seconde partie de
l’exposition montrera comment cette curiosité visuelle, commune aux
scientifiques et aux artistes, contribua au renouvellement de la création
artistique à Prague. À la faveur de nouvelles pratiques comme celle du dessin
en plein air, l’expérience directe de la nature encouragea le choix de nouveaux
matériaux et de nouveaux motifs, jusque-là jugés indignes d’être utilisés ou
représentés, ainsi que le goût pour de nouvelles formes artistiques qui imitent
la singularité des formes naturelles, leur instabilité inhérente au processus
de croissance du vivant.
[1] :
La fiche qui accompagne cette toile nous dit « vers 1583-1585 ».
Puisque la date est incertaine, pourquoi ne pas opter pour l’année du
milieu ? Ou alors, ce devrait être « entre 1583 et 1585 ».
Non ?
Le jour où nous étions allée admirer
le portrait restauré d’Anne de Clèves au Louvre, nous avons remarqué (il y a
toujours quelque chose de nouveau à remarquer quand on visite ce
gigantesque musée) une des toiles sur la droite de ce tableau-là sur le mur perpendiculaire.
La
plaque sur le cadre est la suivante :
Guillim
STRETES (Attribué à) travaillait en Angleterre vers 1550
Ecoles
hollandaise et anglaise
Portrait
présumé d’Edouard VI, roi d’Angleterre
L’information
à côté de la toile nous dit :
Guillim STRETES (ou SCROTS)
Portraitiste flamand connu de 1537 à 1553
Peintre à la cour d’Angleterre dès 1545
Portrait d’Édouard VI,
roi d’Angleterre (1537-1553)
Huile sur bois, vers 1550
Ce tableau dont il existe plusieurs exemplaires avec variantes
est, avec celui appartenant aux collections royales britanniques (château de
Hampton Court), l’une des meilleures versions.
Ce portrait d’Édouard VI est le seul tableau anglais du 16e
siècle conservé dans les collections du Louvre.
Les prêts accordés à l’exposition Made in Germany.
Peintures germaniques des collections françaises 1500-1550
organisée à Besançon de mai à septembre 2024 font temporairement place à ce
très bel exemple de peinture à la flamande – il fut acquis en 1889 sous le nom
d’Anthonis Mor – produite en Angleterre sous l’influence de Holbein le Jeune.
Curieusement, avant de lire toutes
ces informations, nous avions admiré certains détails de la toile, comme la
jarretière du jeune roi sous son genou gauche :
ou
encore cette inscription sur le pilier : « KING. EDWARD. The VI.Sir A More pinxt » :
Il y a une curiosité en anglais qui fait que, dans
certains cas, on écrit certaines formules d’une façon, mais on les dit d’une
autre. Par exemple, la date s’écrira « Monday, January 1st »,
mais on dira à l’oral « Monday the first of January » ; de même pour
les guerres mondiales « WWI » devient « the first world
war » (sauf pour les États-uniens qui disent « world war one » -
pourquoi se fatigueraient-ils ?).
Incidemment,
pour toute la noblesse et toute charge constituant une dynastie (telle la
papauté, par exemple), on écrit « Alexander IV » et on dit
« Alexander the fourth ».
Donc,
l’inscription sur le pilier constitue une faute de grammaire [KING. EDWARD. The
VI.] et si l’on ajoute à cela le problème d’attribution de la toile, nous sommes
en droit de nous poser bien des questions.
Ce fut le 1er juillet
1889 que le Louvre acheta cette toile à l’industriel Pierre, dit Eugène,
Secrétan (1836-1899). Secrétan avait acheté cette toile qui s’était
précédemment trouvée dans galerie du duc d’Hamilton, William Alexander Louis
Stephen Douglas-Hamilton (1845-1895), et était alors attribuée à « Antonio
Moro ».
Moro
est connu sous divers noms : Antonio Moro, Anthonius Mor, Antoon More,
Anthonis Mor van Dashorst (il s’agirait d’un titre acquis sur la fin de sa
vie). Il était né à Utrecht vers 1520 et est mort à Anvers en 1576 ou 1578. Il
lui arriva de travailler en Angleterre, mais pas particulièrement à la cour,
tandis que Willem / Guillim / William Scrots ou Stretes (le Dictionnaire des peintres, sculpteurs, dessinateurs et
graveurs. III. L-Z. d’Emmanuel
Bénézit publié à Paris en 1939 le répertorie, p.
765, uniquement en tant que Willem Scrots et les Anglo-saxons n’utilisent que
ce nom-là) fut le successeur d’Hans Holbein le Jeune (1497-1543) à la cour
d’Angleterre.
Il
existe un autre portrait d’Edward VI (1537-1553) qui provient également des
collections du duc d’Hamilton et qui fut acheté par la reine Victoria [Alexandrina
Victoria of Kent (1819-1901)] en 1882 :
Nous
ne savons pas quand ces deux toiles furent peintes, mais la pose du jeune
prince ressemble à celle de son père dans une des toiles d’Holbein, ce qui
n’est pas surprenant puisqu’Henry VIII fit revenir son fils auprès de lui après
son sixième anniversaire (âge auquel les Tudor considéraient qu’un prince
devenait adulte) après l’avoir fait élever et éduquer loin de la cour et que le
roi ordonna que les appartements et la garde-robe de son héritier soient
identiques aux siens.
Nous
disons « prince » pour deux raisons – une par toile : sur la
toile qui se trouve encore en Angleterre, le fait qu’il s’agisse du « roi
Edward » est écrit sur une sorte de petit parchemin à gauche du prince.
Quand un tableau officiel représentait un souverain et annonçait son titre,
c’était en latin – comme c’est le cas pour Henry VIII, père du prince, où une
toile porte l’inscription « Henricus VIII Ang. Rex. » (Henry VIII,
roi d’Angleterre). L’étiquette dit en anglais « King Edward » et non
pas « Eduardus VI Ang. Rex. » ; il est donc possible qu’un
portrait du prince ait été transformé en portrait de roi avec un simple
descriptif ajouté plus tard – si ce n’est pas le cas, quelqu’un aura conseillé
le jeune roi bien maladroitement.
Passons
à la toile du Louvre. Si elle était dans les collections du duc d’Hamilton et a
été achetée par un Français, nous avons trouvé une unique référence mentionnant
l’envoi de cette toile à la cour de France en 1552 (un an avant la mort très
prématurée du jeune roi qui était bien le digne fils de son père en matière de
misogynie et d’arrogance). En dehors du fait qu’il serait agréable d’avoir un
peu plus de références sur ce genre de données afin de pouvoir les vérifier, ce
détail pourrait cependant expliquer l’erreur d’attribution et l’anglais de
cuisine où une formulation orale se retrouve à l’écrit.
La
notice sur le site du Louvre explique que « [s]elon Alastair Laing, qui estime que le R.F.561 [la toile
dont il est ici question] n’est pas une œuvre autographe de Stretes, le ruban
bleu avec le médaillon de Saint Georges de l’ordre de la Jarretière, en fait
anachronique, que le modèle porte au cou, pourrait avoir été rajouté
postérieurement, pour renforcer le caractère royal du portrait, comme si la
jarretière visible sur la jambe gauche ne constituait pas à elle seule un signe
monarchique suffisant (comm. écrite, octobre 1994). Pour Catherine MacLeod, la
jarretière comme le ruban et le médaillon, absents des autres versions du
portrait, sont apocryphes (comm. écrite, juillet 2002). - A dater vers 1550. »
Donc, le ruban bleu avec le
médaillon de Saint Georges, la jarretière et l’inscription sur le pilier seraient
des ajouts postérieurs au travail du peintre initial, placés là afin de transformer
un prince en roi. Ce ne serait pas une première.
À
l’origine, cette peinture à l’huile sur bois (1,68 m sur 0,875 m) se trouvait
en salle 32, au premier étage de l’aile Denon. Aujourd’hui, elle est en salle
809, au deuxième étage de l’aile Richelieu.
Ajouts
ou pas ajouts, le prince devenu roi représente une toile intéressante. Allez
l’admirer.
Elle est l’occasion d’admirer la Maestà
et la Dérision du Christ de Cenni di Pepo, dit Cimabue (Florence, 1240 ?
– Pise, 1302).
La Maestà
La Dérision du Christ (venant d’Internet, car notre photo
est terriblement floue. Ne manquez pas d’admirer le bandeau sur les yeux du
Christ)
Cette exposition
est l’occasion d’admirer des œuvres rares – œuvres qui nous permettent aussi de
voir l’évolution apportée par Cimabue dans la peinture de l’époque. En effet,
le style d’inspiration byzantine qui était celui de l’époque se métamorphose
chez Cimabue en un art où le réalisme commence à s’inviter.
Toutes les œuvres présentées sont fascinantes :
Le travail
de restauration sur la Maestà et la Dérision du Christ est, comme
d’habitude avec les ateliers du Louvre, absolument magnifique.
Les ailes des anges sont splendides, tout comme tous les
détails révélés par la restauration – par exemple :
Le Louvre nous dit : « Pour
la première fois, le musée du Louvre consacre une exposition à Cimabue, l’un
des artistes les plus importants du 13e siècle. Elle est le fruit de deux
actualités « cimabuesques » de grande importance pour le musée : la
restauration de la Maestà et l’acquisition d’un panneau inédit de
Cimabue redécouvert en France en 2019 et classé Trésor national, La
Dérision du Christ.
Les deux tableaux, dont la restauration s’est achevée en 2024,
constituent le point de départ de cette exposition qui, en réunissant une quarantaine
d’œuvres, ambitionne de mettre en lumière l’extraordinaire richesse et la
nouveauté incontestable de l’art de Cimabue. L’artiste fut l’un des premiers à
ouvrir la voie du naturalisme dans la peinture occidentale, en cherchant à
représenter le monde, les objets et les corps tels qu’ils existent. Avec lui,
les conventions de représentation héritées de l’art oriental, si prisées
jusqu’alors, cèdent la place à une peinture inventive, cherchant à suggérer un
espace tridimensionnel, des corps en volumes et modelés par de subtils
dégradés, des membres articulés, des gestes naturels et des émotions humaines.
Après une section introductive consacrée au contexte de la
peinture en Toscane, en particulier à Pise au milieu du 13e siècle, le parcours
s’attarde sur la Maestà du Louvre : les nouveautés qui se
manifestent dans ce tableau ont conduit certains historiens de l’art à le
qualifier d’« acte de naissance de la peinture occidentale ». La restauration a
permis, en plus de retrouver la variété et la subtilité des coloris, de
redécouvrir de nombreux détails masqués par des repeints qui mettent en
évidence la fascination de Cimabue et de ses commanditaires pour l’Orient, à la
fois byzantin et islamique.
Est ensuite abordée la question cruciale des rapports entre Duccio
et Cimabue. Le parcours se poursuit avec une section construite autour du
diptyque de Cimabue, dont le Louvre réunit pour la première fois les trois
seuls panneaux connus à ce jour. La verve narrative et la liberté déployées par
Cimabue dans cette œuvre aux coloris chatoyants en font un précédent important
et insoupçonné jusqu’alors de la Maestà de Duccio, chef-d’œuvre de la
peinture siennoise du Trecento.
L’exposition se conclut par la présentation du grand Saint
François d’Assise recevant les stigmates de Giotto, destiné au même
emplacement que la Maestà du Louvre, le tramezzo (la cloison
qui sépare la nef du chœur) de San Francesco de Pise, et peint quelques années
après par le jeune et talentueux disciple de Cimabue. À l’aube du 14e siècle,
Duccio et Giotto, tous deux profondément marqués par l’art du grand Cimabue qui
s’éteint en 1302, incarnent désormais les voies du renouveau de la
peinture. »
Il y aura toute une conférence sur la Dérision du Christ dans les jours à venir, mais, en
attendant, voici deux courtes vidéos sur la Dérision du Christ et l’exposition
en général, ainsi que la conférence de présentation sur Cimabue et les œuvres présentées dans l'exposition :
La dérision du Christ de Cimabue, intervention de Sébastien Allard : Directeur du Département des Peintures du musée du Louvre.
Retour sur la restauration d'une œuvre majeure du musée du Louvre : "La Dérision du Christ" de Cimabue.
Thomas Bohl, conservateur et commissaire de l'exposition "Revoir Cimabue" (22 janvier – 12 mai 2025) et Sébastien Allard, directeur du département des peintures au Louvre, reviennent sur la genèse et l'importance de cette œuvre petite en taille, mais capitale dans l'histoire de l'art.
Pour la première fois, le musée du Louvre consacre une exposition à Cimabue, l’un des artistes les plus importants du 13e siècle. Elle est le fruit de deux actualités « cimabuesques » de grande importance pour le musée : la restauration de la Maestà et l’acquisition d’un panneau inédit de Cimabue redécouvert en France en 2019 et classé Trésor national, La Dérision du Christ. Ces deux tableaux, dont la restauration s’est achevée en 2024, constituent le point de départ de cette exposition qui, en réunissant une quarantaine d’œuvres, ambitionne de mettre en lumière l’extraordinaire richesse et la nouveauté incontestable de l’art de Cimabue.
Si vous le
pouvez, visitez cette exposition sur un moment charnière dans l’Histoire
de la peinture.
le musée
du Louvre a mis en ligne un certain nombre de conférences sur leurs expositions
actuelles et comme certaines de ces expositions parisiennes vont bientôt fermer
leurs portes, nous avons pensé que ces présentations pourraient vous aider à
mieux comprendre certaines des œuvres -
et si vous n’avez pas la possibilité de venir les voir, ces vidéos vous en
donneront un aperçu.
L’exposition sur les chefs-d’œuvre de la collection Torlonia a été prolongé
jusqu’au 6 janvier et ces merveilles dont nous vous avions brièvement parlé en août dernier vous bientôt repartir en Italie.
D’ailleurs, cette exposition connaît un tel succès qu’elle
n’est plus accessible qu’avec une réservation, mais des nocturnes sont prévues
en fin d’année et début janvier.
Voici ce
qu’écrit le musée au sujet de cette présentation :
Conférence présentée par Cécile Giroire et Martin Szewczyk (musée du Louvre), en direct de l'Auditorium Michel Laclotte, le 27 juin 2024 à 19h.
Chefs-d’œuvre de la collection Torlonia
26 juin 2024 – 6 janvier 2025.
La plus grande collection privée de sculpture antique romaine conservée à ce jour – celle rassemblée par les princes Torlonia durant tout le XIXe siècle à Rome – se dévoile au public pour la première fois depuis le milieu du XXe siècle dans une série d’expositions-évènements. Et c’est au Louvre que les marbres Torlonia s’installent pour leur premier séjour hors d’Italie, dans l’écrin restauré qu’offrent les appartements d’été d’Anne d’Autriche, siège des collections permanentes de sculpture antique depuis la fin du XVIIIe siècle et la naissance du musée du Louvre. Les collections nationales françaises se prêtent volontiers à un dialogue fécond avec les marbres Torlonia, qui interroge l’origine des musées et le goût pour l’Antique, élément fondateur de la culture occidentale.
Cette exposition met en lumière des chefs-d’œuvre de la sculpture antique et invite à la contemplation de fleurons incontestés de l’art romain, mais également à une plongée aux racines de l’histoire des musées, dans l’Europe des Lumières et du XIXe siècle.
Commissariat général : Cécile Giroire, directrice du département des Antiquités grecques, étrusques et romaines.
Commissariat scientifique : Martin Szewczyk, conservateur au département des Antiquités grecques, étrusques et romaines, musée du Louvre.
Commissaires associés : Carlo Gasparri, Universita Federico II di Napoli, Accademia dei Lincei et Salvatore Settis, Scuola Normale Superiore di Pisa, Accademia dei Lincei et membre de l'Institut, Académie des Inscriptions et Belles-Lettres.
Sous la supervision de la Surintendance Spéciale de Rome.
Ensuite,
vous devriez monter au premier étage, à la Chapelle afin d’aller admirer (vous
avez jusqu’au 3 février 2025),
la toile de Watteau, Pierrot, dit le Gilles, qui a été superbement
restaurée.
Le musée nous dit :
Conférence
présentée par Guillaume Faroult (musée du Louvre), en direct de
l'Auditorium Michel Laclotte, le 21 novembre 2024 à 19h.
Revoir Watteau. Un comédien sans réplique. "Pierrot", dit le "Gilles"
16 octobre 2024 – 3 février 2025
«
Le tableau énigmatique du Louvre par excellence ».
C’est ainsi que le peintre et écrivain Bernard Dufour a qualifié le
Pierrot, longtemps dénommé le Gilles, d’Antoine Watteau (1684-1721).
Au-delà de la figure familière et iconique de cet étrange personnage
tout de blanc vêtu, c’est bien d’une œuvre d’une absolue singularité
dont il s’agit. Tout, de son histoire à sa composition, en passant par
son iconographie et son format, intrigue et interroge.
Les origines de la toile demeurent totalement inconnues et sa première
mention certaine ne date que de 1826. L’interprétation du tableau,
inspirée par l’univers du théâtre et notamment par Pierrot, le
personnage comique le plus célèbre à l’époque, demeure elle aussi
complexe.
Redescendez
ensuite au rez-de-chaussée afin d’explorer les deux salles juste au dessus du
Hall Napoléon où vous pourrez découvrir ou redécouvrir Guillon Lethière. Certaines
œuvres de collections privées méritent d’être admirées.
Afin d’en savoir plus sur le sujet,
regardez cette conférence :
Présentation de l'exposition "Guillon Lethière, né à la Guadeloupe" du 4 Décembre 2024.
13 novembre 2024 – 17 février 2025
Par
Marie-Pierre Salé, musée du Louvre
Guillaume Guillon Lethière a été, écrit Charles Blanc dans son Histoire
des peintres de toutes les écoles (1865), «une des grandes autorités de
son temps». Né à Sainte-Anne, à la Guadeloupe, en 1760, fils illégitime
d’une esclave d’origine africaine et d’un colon blanc procureur du roi,
Guillon Lethière eut un destin exceptionnel, et occupa les postes parmi
les plus prestigieux du monde des arts. Il maintint tout au long de sa
vie des liens étroits avec des personnalités et des artistes venus des
Caraïbes, ainsi avec la famille Dumas – le général, lui aussi fils d’une
esclave, et le jeune écrivain Alexandre Dumas. Comme nombre de ses
contemporains il dut, pour obtenir des commandes, s’adapter à la rapide
succession des régimes et aux retournements politiques, depuis la
période révolutionnaire jusqu’à l’aube de la monarchie de Juillet.
Présentée
à Paris après l’étape au Clark Art Institute de Williamstown
(États-Unis), l’exposition permettra de suivre ce parcours romanesque et
singulier, mais aussi révélateur des possibilités offertes par une
époque de mutations et de bouleversements. Elle sera l’occasion de
redécouvrir son œuvre, largement consacré aux sujets antiques et
littéraires, et son tableau le plus célèbre, Le Serment des ancêtres,
offert à la jeune république d’Haïti, dans lequel il exprime ses
convictions en faveur de la liberté des peuples et de l’égalité des
êtres humains.
Commissaires
de l'exposition : Esther Bell, Deputy Director et R. et M. Berman Lipp
Chief Curator, et Olivier Meslay, Hardymon Director, assistés de Sophie
Kerwin, curatorial assistant, Clark Art Institute, et Marie-Pierre Salé,
musée du Louvre.
Juste
en dessous de l’exposition Guillon Lethière, celle sur les Figures du fou vous
attend (jusqu’au 3 février seulement).
Afin de vous aider à mieux
comprendre la richesse des pièces exposées, vous pouvez regarder cette
conférence :
Conférence
présentée par Elisabeth Antoine-König et Pierre-Yves Le Pogam (musée du
Louvre), en direct de l'Auditorium Michel Laclotte, le 21 octobre 2024 à
19h.
Figures du fou. Du Moyen Âge aux Romantiques
16 octobre 2024 – 3 février 2025
Les
fous sont partout. Mais les fous d’hier sont-ils ceux d’aujourd’hui ?
Le musée du Louvre consacre cet automne une exposition inédite à ces
multiples figures du fou, qui foisonnent dans l’univers visuel du 13e au
16e siècle. Manuscrits enluminés, livres imprimés et gravures,
tapisseries, peintures, sculptures, objets précieux ou du quotidien :
entre Moyen Âge et Renaissance, le fou envahit littéralement tout
l’espace artistique et s’impose comme une figure fascinante, trouble et
subversive dans une époque de ruptures, pas si éloignée de la nôtre.
Le jour où nous avons visité l'exposition de la collectionTorlonia ,
les marbres antiques furent la dernière partie de notre visite.
En
fait, nous étions allée au Louvre afin d’admirer le couple Marten Soolmans et
Oopjen Coppit – les deux toiles de Rembrandt achetées conjointement par la
France et la Hollande (Aile Richelieu, 2ème étage, salle 844), mais
avant d’aller au rez-de-chaussée pour l’exposition Torlonia, nous sommes passée
par les appartements Napoléon III (Aile Richelieu, 1er étage, salles
539 à 549) qui ont été restaurés à partir de septembre 2023 et sont de nouveau
accessibles au public depuis juin 2024.
Il n’est pas surprenant que ces
salles aient eu besoin de quelques soins.
Créées
entre 1858 et 1861 sur ordre de Napoléon III
(1808-1873) pour son ministre Achille Fould
(1800-1867), elles furent des appartements pour le ministre et le
ministère d’État et ses salles de réception, puis devinrent le siège du ministère
des Finances après les incendies de la Commune en 1871 dont ce ministère fut
une des victimes.
Ce
ministère occupa cet espace jusqu’en 1989.
La
transformation de ces salles afin qu’elles puissent faire partie du musée du
Louvre dura jusqu’à leur inauguration officielle en 1993.
À l’origine, en 1858, l’architecte
Hector Martin Lefuel (1810-1880) était à la tête du projet, mais tout avait
commencé lorsque Napoléon III avait enfin mis en route le « grand dessein ».
Depuis
le règne d’Henri IV (1553-1610), il était question de réunir le Louvre aux
Tuileries et il y eut de très nombreux projets, mais ce ne fut que dans la
seconde moitié du XIXe siècle que le chantier fut mis en route.
Incidemment, il est heureux que certains de ces projets n’aient pas aboutis,
car certains architectes avaient des projets fort jolis sur papier, mais fort
destructeurs dans la réalité.
Ce
fut Louis Visconti (1791-1853) qui fut chargé du projet – mais seulement pour
des travaux au Louvre selon les ordres de l’Assemblée nationale en 1848.
Le
coup d’état du 2 décembre 1851
changea tout et Napoléon III, président devenu empereur des Français, demanda
immédiatement à Visconti de lui présenter un projet qui réunirait le Louvre aux
Tuileries.
Les
travaux commencèrent dès la fin juillet 1852, mais Visconti mourut le 29 décembre 1853. Napoléon
III confia le chantier en cours à Lefuel – même si ce dernier ne fut
officiellement nommé à la tête du projet qu’en 1855 car il était encore sur le
chantier de la nouvelle salle de théâtre du château de Fontainebleau.
Le palais des Tuileries et l'arc de triomphe du Carrousel,
vers 1865[1]
Tout le chantier était encore en
ébullition quand Lefuel se pencha, entre 1858 et 1861, sur la question de la
décoration des onze pièces où Fould devrait vivre avec sa famille et travailler
avec l’empereur et ses collaborateurs.
Il y
avait les petits appartements pour la famille et les grands appartements pour
le travail, les réceptions et les dîners d’état.
Dans
les grands appartements, on trouve notamment une grande salle à manger avec une
table pouvant accueillir jusqu’à quarante personnes.
La grande salle à
manger
Il y
a aussi le salon-théâtre, espace qui pouvait être transformé en véritable scène
de théâtre et, si besoin était, il y avait même un espace caché pour des
musiciens.
Le salon-théâtre (portrait de
l’impératrice Eugénie (1826-1920) par Franz Xaver Winterhalter (1805-1873),
fauteuils, canapé, indiscrets[2] et
console)
Le
salon-théâtre est séparé du Grand Salon par un rideau de scène et le Grand
Salon pouvait être vidé de ses meubles afin d’accueillir deux cent
soixante-cinq spectateurs. Cette pièce est magnifique ; le canapé central
a été conçu afin d’avoir des plantes en son centre, de nombreux fauteuils –
dont un certain nombre d’indiscrets – et de chaises se trouvent dans la pièce
où tapis, sculptures, peintures et lustres (le lustre central est en cristal de
Baccarat) témoignent encore aujourd’hui de certains fastes du Second empire.
Vue générale du Grand
Salon
Détails du décor du
Grand Salon
Petit lustre
de cristal vu d’en dessous
Dans
ces salles, tout est à admirer : les parquets, les tapis, le mobilier, les
murs, les peintures (l’art du trompe-l’œil est partout présent), les cheminées,
les lustres…
Les
meilleurs artistes du temps participèrent à ce projet. Nous devons les
sculptures à Louis Alphonse Tranchant (1822-?)[3], les
peintures furent confiées à Charles-Raphaël Maréchal (1825-1888) pour le Grand
Salon et Eugène Appert (1814-1867) pour la grande salle à manger[4], les
plus grands bronzes furent réalisés par la fonderie Barbedienne, l’orfèvrerie
fut sous la responsabilité du génial Charles Christofle (1805-1863) et les
marbres sont de René Langlois[5] - pour
ne citer qu’eux, mais il ne sont que quelques noms parmi toute une ruche
d’artistes et d’artisans qui créèrent un magnifique écrin qui est parvenu
jusqu’à nous.
Aujourd’hui, grâce à quelques
mécènes, les ateliers de métiers d’art du Louvre et le groupement de
conservation-restauration Petit & Chatain ont pu travailler dans les
appartements Napoléon III et restaurer ce qui devait l’être.
Le Grand
Salon avait déjà été restauré en 2017, mais toutes les pièces ont été nettoyées
et réparées cette fois-ci. Les fenêtres ont été remplacées afin de garantir de
meilleures conditions de conservation – notamment pour le Grand Salon qui est très
exposé au soleil.
Les appartements
sont de nouveau accessibles au public.
Si vous
n’avez pas la possibilité de vous rendre au Louvre, le musée a mis en ligne une
vidéo afin de vous faire visiter ces pièces en musique :
Si la restauration et le travail effectué vous
intéressent, il existe une série de vidéos sur le sujet :
Les appartements Napoléon III - Épisode 1 : L'histoire d'un décor prestigieux
Épisode 2 : L'art du trompe-l'oeil
Épisode 3 : Bois et dorures
Épisode 4 : Nouvelle mise en lumière
Épisode 5 : Velours et passementeries
[1] :
Il est fascinant de voir que depuis 1871, date à laquelle nous avons perdu le
palais des Tuileries à cause des incendies de la Commune, il y a eu plusieurs
projets de reconstruction – plus ou moins sérieux. Aujourd’hui encore, certains
parlent de reconstruire le palais perdu.
[2] :
Ces curieux fauteuils sont la version à trois places des confidents.
[3] : Voici
encore un artiste « disparu ». Il est né à Verneuil le 28 octobre 1822 et a épousé
Sophie Gabrielle Duchenne à Montmartre le 28 décembre 1850. Il a donc travaillé sur le
chantier du Louvre. Où et quand est-il mort ? Excellente question – dont
la réponse nous échappe pour l’instant.
[4] :
La commande fut faite le 31
décembre 1860 pour 6 000 francs, Appert fut intégralement payé
le 5 mars 1861.
[5] :
Ce marbrier qui travailla au tombeau de Napoléon Ier était peut-être
né en 1801.