Fra Paul Siméon de Balbi de Quiers (et Georges Doublet)

En juin 2022, nous nous sommes rendue aux Archives départementales des Alpes-Maritimes afin de vérifier que notre transcription du texte de Georges Doublet sur le siège de 1543, que nous allons publier dès que notre biographie de l'auteur sera terminée, était complète.

Nous avons profité de cette visite afin de consulter un document (H 1161) mentionné par Doublet.

En avant-première, voici ce qu'il en disait :

« Enghien doit avoir accordé une trêve momentanée aux troupes ducales et la permission qu’elles emportassent au château ce qu’il leur semblerait bon d’y transférer. En effet le trésorier de la place, Carra (ou, pour user de son vrai nom, Nicolas de Beaumont, qui était auditeur de la Chambre ducale des Comptes) et le seigneur de Corcelles, L[udovic] de Prey, également auditeur de cette chambre – mais non, quoi qu’en ait dit […]* le sergent-major d’Arenthon – descendent avec des officiers et soldats pour monter « les poudres, balles, monitions, grains, vins, huyles, farines, autres victuailles et les cloches des églises » sous la direction d’un Milanais, Landriano, qui aura dû, je suppose, réunir des bêtes afin de charger tout cela. Badat parle de deux cents Niçois qui portèrent des vivres au château. Il ne reste dans la ville inférieure (ou dans la moyenne) que la grosse cloche, beaucoup trop lourde pour être descendue précipitamment, de la tour municipale de l’Horloge. Il y a lieu de vous signaler que le transport de toutes ces cloches est confirmé dans un des rares documents que nous possédons en original. Il se trouve aux archives départementales, dans le fond du ci-devant couvent de Saint-Dominique où d’ailleurs il n’a rien à faire[1]. C’est une attestation de Paul Simeone, datée de 1554, 25 juillet, signée par lui et munie de son sceau dont la conservation est assez bonne*. Vous y distinguez le blason des Balbi, d’or à cinq bandes d’azur. La ligne des Simeoni y joignait un chef qu’on aperçoit assez mal sur l’empreinte du sceau du « capitaine du château et autres forteresses du comté de Nice », ce qui est son titre officiel. Il atteste que, dans la « dedditione di Nizza a Barbarossa et ai Francesi », toutes les cloches furent portées, « sur l’ordre du duc, en son château », et qu’un certain nombre se rompirent. On voit que Charles II avait prévu que la ville succomberait et pris ses mesures pour que l’ennemi ne s’emparât point des cloches ; que le transport de celles-ci s’effectua sans beaucoup de précautions. Mais avait-on assez de temps pour en prendre ?

Le papier est un peu rongé à gauche. Ce n’est pas, quoi qu’en dise l’Inventaire sommaire du fonds H des Archives départementales publié par Moris en 1893, une déclaration certifiant que la cloche du couvent de Saint-Dominique eût été rendue aux prêcheurs. L’archiviste départemental, ou l’employé qu’il aura chargé de lire et d’analyser le document écrit en italien, n’en aura pas compris le sens. C’est sans aucun motif que cette curieuse pièce figure dans le fonds de l’ancien couvent de Saint-Dominique. Ici encore Moris a mal réfléchi à ce qu’il faisait. »

Incidemment, Paul Siméon de Balbi de Quiers, personnage fascinant qui, a dix-huit ans, se retrouva commandant lors d'un siège contre les Turcs où il parvint à les faire fuir en ordonnant à tous les civils (vieillards, femmes, enfants) de mettre un uniforme et de se placer sur les remparts, ce qui fit croire aux Turcs que la ville avait reçu des renforts, est souvent mentionné sous plusieurs noms : Paul Siméon, Paul Simeone, Siméon de Balbi, Balbi de Quiers... Lors du remaniement du texte de notre thèse, nous avons fait le choix de le nommer en utilisant la totalité de son titre de noblesse.

Lorsque nous avons pris une photo du document rédigé par Paul Siméon de Balbi de Quiers, nous avons demandé l'autorisation de la publier sur ce blog. La voici :


Nous aurons sous peu des nouvelles au sujet de la publication du texte de Doublet et de notre thèse.

* : Le sergent-major d’Arenthon n’est pas mentionné à ce moment-là du siège par Gioffredo ou Durante. Doublet voulait peut-être mentionner Samuel Guichenon (1607 – 1664) qui, lui, place d’Arenthon dans cette opération de récupération.

[1] : Archives départementales des Alpes-Maritimes, H 1161.

* : Nous ignorons à quelle date Doublet a vu ce document, mais lorsque nous l’avons consulté en juin 2022, le sceau était malheureusement en très mauvais état.

« Trucs » de recherche et information au sujet de Léonce Couture

Notre biographie de Georges Doublet qui va servir d’introduction à son propre texte est en train de virer à l’Odyssée (ce qui aurait sans doute amusé notre historien-archiviste qui enseignait le grec).

Cette recherche particulière nous a permis d’explorer de nouveaux moyens de recherche. L’état civil reste une source très intéressante, mais la totalité des archives peut révéler des points importants dans la vie des personnes étudiées. Pour vous donner un seul exemple, c’est en lisant en ligne (avant qu’ils ne soient victimes d’une cyber-attaque) le dossier d’hypothèque d’Adèle Doublet, née Hochet, quand elle vendit la maison familiale quelques années après le décès de son mari, que nous avons découvert qu’elle avait eu un fils de son premier mariage (nous avions trouvé ses deux filles, nées dans la ville de résidence du couple, mais ce fils a vu le jour dans une autre ville et s’il n’avait été témoin lors de la signature avec l’acheteuse de la maison, nous ne l’aurions probablement jamais trouvé). Cette découverte est d’autant plus importante que le lieu de naissance de ce fils et les renseignements sur son acte de naissance nous ont livré de précieux éléments sur la vie d’Adèle (future Mme Doublet à l’époque).

En parlant d’Adèle (en réalité, Élisa Adèle Hochet), c’est grâce à l’Acadèmia Nissarda, et en particulier à son secrétaire général, que nous avons pu découvrir en quelle année elle nous avait quitté. Si le service de l’état civil à Nice a été un peu sec, dirons-nous, l’archiviste du service nous a trouvé l’information dont nous avions besoin en quelques minutes. Pensez à contacter les archivistes !

En revanche, certaines institutions semblent apprécier le silence radio… ou elles ne consultent jamais les messages envoyés par formulaire de contact sur leurs sites (les associations d’anciens élèves sont particulièrement silencieuses – et dans le cas de l’École Normale Supérieure, un message de l’archiviste de l’ENS, qui, lui, nous avait répondu dès réception de nos questions, avec en copie l’association des anciens élèves, reste sans réponse de la part de cette association[1]). Le téléphone est peut-être la solution.

 

Sans trop vous dévoiler le début de notre biographie de Doublet, nous pouvons quand même vous dire que nous utilisons une citation de Jean-François Bladé (Lectoure, 15 novembre 1827 – Paris, 30 avril 1900) qui se trouve dans une lettre adressée à son grand ami le professeur Léonce Couture (Cazaubon, 3 septembre 1832 – Toulouse, 17 février 1902).

Il nous arrive régulièrement de chercher des informations sur des auteurs en passant par la notice qui leur est dédiée sur Gallica en espérant que la Bibliothèque nationale de France nous apportera des renseignements sur les publications des personnes que nous recherchons et quelques indices sur leur biographie. En lisant la fiche de «  Joseph Bernard Léonce Couture », le lieu de son décès manquait, nous sommes donc partie à sa recherche et avons alors découvert que la date donnée par la BNF, le 20 mars 1902, était fausse[2].

Il est mort à Toulouse le 17 février 1902 comme indiqué dans l'acte n° 539 (Vue 70 sur cette page).

L’enregistrement de sa naissance à Cazaubon avait déjà été étrange car l’adjoint au maire avait fait quelques fautes. Si les prénoms «  Joseph Bernard Léonce » sont bien en marge de l’acte, en revanche l’enfant est appelé « Léon » dans le corps de la déclaration et cette erreur-là n’a pas été relevée.  L’acte n° 36 se trouve à cette page si vous souhaitez le consulter.

 

Nous allons replonger dans nos chères archives, mais nous avons quelques sujets à partager avec vous très bientôt.



[1] : Pouvons-nous dire que nous sommes déçue ? Oui, en effet, d’autant plus que l’archiviste avait fait tout son possible afin de les inclure dans notre conversation.

[2] : Nous espérons que notre message à ce sujet leur parviendra sans encombre.

 

2004 à Babylone

Petites recommandations de lecture : ces dernières semaines, nos lectures « dans le bus ou le métro » (il faut bien rentabiliser le temps de transport et faire quelque chose d’agréable) ont été consacrées à nos recherches sur Georges Doublet afin de rédiger sa biographie pour notre édition de son texte sur Le Siège de Nice en 1543.

En revanche, nous avons replongé dans d’autres lectures historiques cette semaine. La personne dont nous lisons la biographie était une amie de T. E. Lawrence, le fameux Lawrence d’Arabie (ce n’est pas notre sujet, mais son Seven Pillars of Wisdom est une lecture fascinante encore aujourd’hui et si vous souhaitez avoir un nouvel éclairage sur l’Histoire d’une partie du Moyen-Orient, ce livre reste une excellente clef de déchiffrage).

La femme extraordinaire dont nous lisons une biographie, éditée par Georgina Howell sous le titre : A Woman in Arabia – The Writings of the Queen of the Desert[1], est Gertrude Lowthian Bell (1868-1926).

Bell était le premier enfant d’un riche industriel britannique et de régulières visites chez un oncle en poste dans diverses ambassades lui permirent de voyager et sa destination la plus marquante fut à Bagdad. Elle y apprit la langue locale – et de nombreux dialectes. Elle nous a laissé des traductions de poésies locales d’une rare qualité. Elle fut aussi historienne et archéologue. Sa passion pour la photographie (elle était passionnée, certes, mais son travail valait celui des meilleurs professionnels de l’époque) nous a laissé des centaines de plaques de verre où des sites aujourd’hui disparus ou gravement endommagés par le temps ou quelques bipèdes barbares sont conservés comme autant de pièces d’Histoire léguées par leur protectrice. D’autant plus protectrice que Bell parvint à faire voter une loi garantissant que 50% des découvertes archéologiques faites en Irak, dont elle aida notamment à la fondation, resteraient dans le pays et ne seraient pas emportées pillées par des coloniaux.

La population locale savait que Bell était une interlocutrice fiable, car elle parlait leur langue et les comprenait. Grâce au fait qu’elle était une « faible » femme, elle pouvait parfois se rendre là où des hommes n’auraient jamais été invités ou autorisés ; certains hommes comprirent l’importance qu’elle pourrait avoir et elle fut aussi une espionne pour le compte de son gouvernement. Toutes ces activités ne sont qu'un mince échantillon de ses réussites.

Malheureusement, sa voix, si lucide pourtant, fut ignorée sur des sujets importants... à l’époque et encore aujourd’hui, ce qui nous ramène aux « bipèdes barbares » ci-dessus mentionnés, à l’introduction d’Howell et au titre que nous utilisons.

À la page XV, Howell écrit :

« If the American and British invaders of 2003, after ousting Saddam Hussein, had read and taken to heart what Gertrude had to say on establishing peace in Iraq, there might have been far fewer of the bombings and burnings that have continued to this day. » [Si les envahisseurs américains et britanniques de 2003, après avoir déposé Saddam Hussein, avaient lu et vraiment pris en considération les recommandations de Gertrude afin d’instaurer la paix en Irak, il y aurait peut-être eu beaucoup moins de bombardements et d’incendies qui perdurent jusqu’à aujourd’hui.].

Il était bien prévisible que les envahisseurs n’allaient pas écouter une femme.

À la page XIX, Howell nous rappelle une tragédie historique qui est arrivée en 2004 et qui aurait brisé le cœur de Bell (ou lui aurait donné envie de faire un saut au Pentagone afin d’avoir une légère explication avec le scribouillard militaire qui aurait donné le feu vert à cette opération affligeante) :

« Through her position as honorary director of antiquities for Iraq she supervised the teams of foreign archaeologists who came to dig the precious sites of Ur and Babylon – the latter eventually bulldozed for an American military base. » [Grâce à son poste de directrice honoraire des antiquités irakiennes, elle surveilla les équipes d’archéologues étrangers qui venaient fouiller les précieux sites d’Ur et de Babylone – cette dernière fut éventuellement détruite au bulldozer pour faire place à une base américaine.].

Lorsque la triste nouvelle parvint au reste de la planète en 2005, nous nous souvenons d’articles qui déploraient le saccage de Babylone, qui ne fut hélas pas la seule victime de cette invasion dont les véritables raisons commencent seulement à être évoquées (à grande échelle). En cherchant à nous rafraichir la mémoire, nous avons notamment relu un article de la BBC où la crasse hypocrisie des militaires américains est on ne peut plus visible : la courte liste des dégâts causés par la soldatesque ne s’explique que par un complet mépris du site légendaire de la part de la bleusaille. Dans cet article, il est écrit :

« The US Army says the troops based in the city, some 50 miles (80km) south of Baghdad, are well aware of its historical significance. » [L’armée américaine déclare que les troupes basée dans cette ville, à environ cinquante miles (quatre-vingt kilomètres) au sud de Bagdad, sont parfaitement conscients de son importance historique.].

Ce que l’armée américaine a pensé très fort, mais sans le déclarer est sans doute assez proche de « mais s’en moque complètement en raison des ordres donnés et des intérêts pétroliers qu’elle défend ». C’eut été plus honnête, mais donc impossible à avouer.

 

Le spectre de Bell ne doit pas gêner ces destructeurs. L’Histoire les jugera, tout comme les iconoclastes décérébrés qui ont détruit les Bouddhas de Bâmiyân en 2001, mais les pertes sont là et les plaies sur l’âme de l’humanité resteront à jamais.



[1] : Il existe d’ailleurs un film, Queen of the Desert, qui n’est pas trop exagéré pour une production hollywoodienne avec un casting prestigieux.

Évitons les parties de poker...

En prépa, nous avions reçu l'ordre de suivre les préceptes d'Henri-Irénée Marrou – notamment sur le point suivant :

« [...] il a toujours été entendu qu’un savant honnête devait fournir à ses lecteurs le moyen de contrôler la validité de ses  affirmations : de là  les notes de bas de page, les références  précises aux sources ; c’est un des mérites incontestables du positivisme que de nous avoir appris à être très exigeants en fait de minutie dans ces indications. »[1]

Notre éditeur[2] quand nous collaborions à L'Émoi de l'histoire (la revue de l'Association historique des élèves du Lycée Henri IV) nous avait suggéré de rédiger nos travaux de façon à ce qu'un lecteur qui ne connaitrait rien à notre sujet n'aurait pas besoin d’aller chercher des compléments d’information dans des piles de documents difficilement accessibles. Tout devait être clair et aisément compréhensible – et complet.

En travaillant sur les écrits de Georges Doublet, prédécesseur de Marrou, nous avons réalisé avec horreur que certains historiens traitaient – encore aujourd'hui – leurs recherches comme une partie de poker où l'on doit garder le secret de sa main.

Au moment du remaniement de notre thèse, nous avons décidé d’ajouter une partie avec les documents publiés entre notre date de soutenance et le commencement de notre remaniement. Nous avons alors trouvé un article qui avance un fait capital sans y apporter la moindre référence ou justification. Nous sommes alors partagée entre une intense frustration quant au non-partage de la source de cette information et une méfiance scientifique devant cette bombe historique que personne n'aurait mentionnée en quatre siècles. Comment un profane pourrait-il vérifier cette donnée si nous, spécialiste, n'avons jamais croisé ce fait ? C'est impossible.

Frustration récente : nous avons consulté un article historique rédigé par une légiste qui cite les mémoires d’un auteur à deux reprises. Deux notes de fin de chapitre donnent un « titre » et des pages de référence pour les citations. « Parfait », pensez-vous ? Détrompez-vous, chers Lecteurs. Le nom de l’auteur cité associé au « titre » ne donnent aucun résultat sur aucun catalogue de bibliothèque et aucun moteur de recherche et comme le « titre » n’est accompagné d’aucune référence de maison d’édition ou d’année de publication, les références avancées ne servent strictement à rien.

Nous avons passé des heures à rechercher l’œuvre de l’auteur mentionné et notre seul espoir est que le « titre » soit celui d’un chapitre dans l’un des ouvrages que nous comptons consulter en bibliothèque la semaine prochaine.

Un peu moins de poker (chers collègues, garder le secret de vos informations jette le doute sur vos travaux) et un peu plus de positivisme seraient les bienvenus. Merci d’avance !



[1] : Cf. Henri-Irénée Marrou, De la connaissance historique, Paris, Éditions du Seuil, 1989, p. 231.

[2] : Bonjour, Hugo !

Brèves nouvelles

Archives et bibliothèques sont des dévoreuses de temps (d'autant plus quand on travaille sur plusieurs sujets en même temps !).

Notre travail sur Crauk est déposé à la B.N.F. (et sera bientôt disponible si notre projet de site Internet n'est pas retardé) et le remaniement de notre thèse sur Le siège de Nice en 1543 et ses conséquences sera sous peu prêt à être envoyé au dépôt légal.

Le texte de Georges Doublet que nous avions consulté aux Archives départementales des Alpes-Maritimes est si intéressant que nous allons le publier également (accompagné d'une nouvelle biographie de l'auteur).

Nous avons également hâte de poursuivre nos recherches afin d'écrire une nouvelle biographie de Constance Mayer La Martinière.


Stratégie d'édition (question sur le siège de Nice en 1543)

    La fin du printemps et l'été ont été occupés par nos recherches afin de pouvoir terminer notre édition de l'ouvrage de Gustave Crauk et la préparation de la publication du texte remanié de notre thèse.

    Crauk nous a posé de nombreux problèmes à cause de sa mauvaise orthographe de certains patronymes ; il nous reste d'ailleurs quelques mystères que nous n'avons pas pu résoudre.

    Notre dernière plongée dans les documents des Archives départementales des Alpes-maritimes (dont le personnel a été extraordinaire) nous a fait découvrir quelques textes inédits de 1543. En plus de nous battre avec la paléographie de certains billets dont le rédacteur devait sans le moindre doute avoir des pattes de mouche au bout de sa plume , nous avons, avec bonheur, consulté les documents sur le siège légués par l'excellent Georges Doublet.

Le texte de Doublet, largement corrigé et annoté, n'est pas complet à 100%. Il manque quelques références et certaines phrases s'arrêtent net sans livrer la fin de la pensée de l'auteur.

Ce texte est assez long. Trop long peut-être afin de l'ajouter dans la partie de notre travail consacrée aux pièces justificatives. En revanche, il serait peut-être intéressant de le publier ici et de le rendre accessible au plus grand nombre.

    Nous allons prendre en considération toutes nos options et prendre la meilleure décision possible.


    Entre les mystères de Crauk sur lesquels nous travaillons encore, nos pattes de mouche de 1543 (nous dirions bien deux mots au rédacteur si c'était possible) et les archives Doublet, notre temps va être bien occupé, mais nous vous donnerons des nouvelles aussi souvent que possible - et si vous avez une préférence quant au travail de Doublet, les commentaires sont les bienvenus.

Le génie de Jules Eugène Lenepveu

Jules Eugène Lenepveu Boussaroque de Lafont, dit Jules Eugène Lenepveu (Angers, 12 décembre 1819 – Paris, 16 octobre 1898) était un artiste rare.

Ce peintre commença sa formation dans sa ville natale avant de rejoindre l’atelier de Picot à Paris. Il commença à participer au Salon en 1843, mais ce ne fut qu’en 1847 qu’il obtint le premier prix de Rome. Sa carrière fut très intéressante et il fut notamment directeur de l’Académie de France à Rome de 1873 à 1878.

 

Malgré toutes ses activités, pourquoi vous dire qu’il était rare nous demanderez-vous ? Tout simplement pour son travail sur le plafond de la grande salle de l’Opéra de Paris (il acheva sa fresque en 1872 ; l’inauguration eut lieu en 1875).

Il intitula cette œuvre Les Muses et les Heures du jour et de la nuit et sur trois plaques de cuivre en éventail qui furent boulonnées au plafond, il représenta les Muses, des dieux et des déesses, la musique, le chant et tout un ensemble d’allégories en relation avec l’Opéra.

Jusqu’ici, rien qu’une œuvre normale afin de décorer un plafond d’opéra.

Ce qui rend Lenepveu extraordinaire est qu’il se fit chimiste afin d’assurer la conservation de son chef-d’œuvre : il prit en considération les problèmes d’interaction entre les plaques de cuivre visées au plafond sur lesquelles il travaillait et les lampes à gaz alors utilisées pour éclairer la salle et il évita sciemment le plomb dans ses pigments afin de prévenir toute dégradation de son œuvre. La plupart des artistes n’auraient même pas pris la peine de faire ce travail d’anticipation à la conservation (peu le font aujourd’hui, encore moins ce souciaient de ce genre de détails au XIXe siècle).

Si vous voulez admirer le plafond de Lenepveu, il vous faudra aller au Musée d’Orsay où se trouve l’esquisse de cette œuvre :

 


Quid du plafond de l’Opéra Garnier vous demandez-vous ? Cette peinture n’a-t-elle quand même pas survécu aux outrages du temps malgré les précautions de Lenepveu ? Oh, la peinture est toujours là. En parfait état. Aussi belle qu’en 1872.

En revanche, M. Malraux (1901-1976) est passé par là et en 1964, il fit tendre sur les plaques de Lenepveu une toile réalisée par son ami Marc Chagall (1887-1985). Le problème est que le travail de Chagall détone complètement au cœur de ce temple du Second Empire.

Un jour, peut-être, une ou un Ministre de la Culture osera envoyer le Chagall dans le musée qui lui est consacré et rendre à Lenepveu la place que Garnier lui avait donné. Une historienne a bien le droit de rêver.