Pas du tout à côté de la plaque (mais plus haut dans la rue)

            Il est important de regarder où on met les pieds, mais regarder en l’air peut faire faire des découvertes.

Voici ce qui s’est passé : il commençait à faire sombre, nous étions sur le point de nous approcher d’une zone de travaux (bienvenue à Paris en toutes saisons !) et nous avons levé la tête. Pourquoi ? Bonne question, chers Lecteurs, d’autant plus que nous connaissons bien le quartier pour y avoir grandi et les surprises venant des étages sont beaucoup plus rares que les bizarreries au sol. Mais nous avons regardé vers le haut et nous avons vu une plaque ronde avec du texte et un liseré bleu.

Notre cadence de marche de Parisienne ralentit soudainement quand nos neurones réalisèrent que nous n’étions pas à Londres, où des blue plaques (plaques bleues en céramiques dont la première fut posée en 1867) ont pour but de lier un lieu à une personne célèbre, et que les plaques commémoratives sont plus souvent rectangulaires en France.

Nous nous sommes arrêtée et avons découvert une des plaques du « Parcours littéraire » qui a été mis en place par la mairie de Paris :

C’est très mignon, mais « à côté d’ici », c’est trente-neuf numéros plus haut, de l’autre côté de la rue de la Roquette (et la description devrait être « Personnage de La Saga Malaussène, Daniel Pennac, 1985-2023 » ou « Personnage d’Au bonheur des ogres, Daniel Pennac, 1985 ») – et oui, nous chipotons sur le vocabulaire, mais c’est notre métier.

 

            Ce qui est curieux, c’est que les descriptions officielles disent que cette plaque se trouve au 31-39 de la rue de la Folie-Regnault dans le XIème arrondissement de Paris.

La plaque est au 39 de la rue, sur un coin de la rue Ranvier (qui n’avait pas de nom quand ses quatre bâtiments furent construits). Le 39, où une épicerie Goulet-Turpin survécut jusque dans les années 1980. Le 39, en face du 40[1], où une façade bizarro-moderne vous accueille aujourd’hui, mais où les petites entreprises des étages semblaient couver le bougnat qui opéra longtemps dans la cour.

La plaque est au 39, alors que la famille Malaussène est sensée habiter au 78 de la rue. Est-ce parce que le 39 avait un grand mur tout vide ? Parce que le 78 n’a pas de grand mur tout vide ? Parce que mettre une plaque parlant du 78 au 77 serait étrange à souhait ? Peut-être est-elle au 39 parce que c’est la moitié de 78 ou que les têtes pensantes du Parcours littéraire ne voulaient pas que quelques curieux dérangent les résidents du 78 en leur demandant des nouvelles des Malaussène ?

Le choix de l’emplacement est curieux (les lecteurs de Daniel Pennac savent où Benjamin réside et ceux qui ne connaissent ni Malaussène, ni son auteur, auront le regard qui glissera sur la plaque comme un patineur sur la glace).

Les habitants du secteur qui lisaient Pennac se souviennent du chien noir de la boulangerie au coin de la rue de la Folie-Regnault et de la rue de la Roquette – si ce gentil toutou n’a pas été l’inspiration pour le Julius de la famille Malaussène, c’est un sacré hasard (mais la réalité peut être plus givrée que la fiction, alors… allez savoir !).

La Saga Malaussène se compose d’Au bonheur des ogres (1985), La Fée Carabine (1987), La Petite Marchande de prose (1990), Monsieur Malaussène (1995), Des chrétiens et des maures (1996), Aux fruits de la passion (1999), Le Cas Malaussène 1 : Ils m'ont menti (2017) et Le Cas Malaussène 2 : Terminus Malaussène (2023).

Daniel Pennac, auteur fascinant qui fut notamment enseignant et à qui l’on doit cette autre petite merveille qui a pour titre Comme un roman (1992) où il nous livre les possibilités de liberté de chaque lecteur, a imaginé la famille Malaussène. La fratrie est un patchwork incroyable, la mère est… comment dire ? unique, les pères ne sont pas dans le tableau, le chien est épileptique et la glue de la famille est l’aîné, Benjamin, à qui il arrive toutes sortes de choses surprenantes – et pas seulement parce que son métier c’est d’être bouc émissaire professionnel (en cas de bourde, c’est lui qui se fait passer un savon).

Les histoires suivent la chronologie (Des chrétiens et des maures fait un retour en arrière, mais c’est la seule histoire à chronologie différente). Si vous ne connaissez pas déjà les Malaussène, Au bonheur des ogres vous fera considérer les mesures de sécurité que nous avons aujourd’hui dans les pattes d’un autre œil. Si, si.

 

            Bref, allez à la chasse aux plaques littéraires, penchez-vous également sur toutes les plaques commémoratives et lisez du Pennac si ce n’est déjà fait[2].

 



[1] : Relativement normal, mais on peut avoir des surprises de numérotation parfois.

[2] : Si c’est déjà fait, relisez du Pennac.

 

Les horreurs de l'Histoire : Robert E. Peary

Avertissement : Si votre « détecteur à sarcasme » est en panne, passez directement au paragraphe deux.

 

            On attribue à un Allemand (Goebbels ou le moustachu lui-même, vous avez le choix) l’idée qu’un énorme mensonge, répété en boucle, finira par être cru par le plus grand nombre. Même cette citation/idée n’est sans doute pas à relier à son auteur présumé, mais des psychologues semblent être d’accord pour dire que si nous ne faisons pas attention (nous ajouterons que ne pas vérifier soi-même des informations peut entraîner l’ingestion de couleuvres de la taille de la Grande Muraille), il est tout à fait possible de nous faire avoir – même pas des mensonges grossiers.

Remarquez, c’est très vrai et c’est très facile : qui vous dira que c’est Jean-Louis Michel qui a localisé (en fait localisé à nouveau est plus exact, car l’épave avait été repérée à deux reprises avant 1985) l’épave du Titanic ? Pas grand monde, puisque celui qui était dans les bras de Morphée au moment de la découverte s’en est attribué tout le mérite dès le début et fait encore campagne en surfant sur le travail d’un autre.

Même maintenant, où nous avons accès à des vidéos prises en direct, vous aurez toujours des gens à qui quelques bipèdes mal intentionnés arriveront à faire prendre des vessies pour des lanternes.

Bref, c’est bien du travail dans une journée qui n’a que vingt-quatre heures, mais si l’on veut éviter de se faire arnaquer par un collectif d’idiots du village et autres buveurs d’eau dans les Alpes, voire par quelques bestioles qui nous prendraient pour des poussins du jour en espérant pouvoir nous contrôler, il faut creuser.

Ayant pelle et pioche à disposition, nous allons vous présenter un affreux qui se faisait passer pour un type bien :

 

            Voici Robert Edwin Peary. Ah… attendez. Il nous faut une petite photo pour cette rencontre :

Robert Peary (1856–1920) - Amiral, ingénieur et explorateur américain du Pôle Nord. Photographie, vers 1900, posée sur papier gélatino-argentique : d'après négatif sur verre au gélatinobromure d'argent. BnF

 

Alors, si on se fie au plus grand nombre, cet ancien amiral étatsunien fut le premier à parvenir au Pôle Nord géographique en avril 1909. Pour cet exploit, on lui a élevé des monuments, des navires (étasuniens, bien évidement), des lieux et des bâtiments portent son nom.

Ça, c’est selon le plus grand nombre.

Nous avons découvert ce magnifique spécimen de bipède grâce à QI. QI, ou Quite Interesting, est une émission de la BBC où on découvre pourquoi les flamants roses sont roses (une histoire de chimie avec de microscopiques algues bleu-vert – les crevettes n’y sont pas pour grand-chose), combien de lunes notre planète possède ou combien des six cérémonies de mariages du roi d’Angleterre Henry VIII étaient valides selon que vous êtes protestant ou catholique.

Grâce à QI, nous savions que Peary était un voleur, un menteur et un ignoble monstre : il vola des météorites sacrées aux Inuits du Groenland – météorites qu’il vendit pour une somme astronomique (sans jeu de mot) – et attira quelques natifs dans ce qui devin un piège en forme de zoo humain avant que les squelettes de ceux qui moururent à cause de ce voyage ne se retrouvent exposés, sans l’autorisation de leurs famille et de leur peuple, dans un musée. En cherchant quelques informations pour cet article, nous avons découvert qu’il était également faussaire et vantard mythomane dans des proportions galactiques.

 

            Ce triste personnage naquit à Cresson en Pennsylvanie le 6 mai 1856 et mourut à Washington dans le District de Columbia le 20 février 1920.

En 1881, il s’engagea comme ingénieur dans la marine après avoir reçu une formation de dessinateur.

Il se rendit dans l’arctique en 1886 : au Groenland, il ne parvint pas à traverser le pays en traineau. Ce fut à ce moment-là qu’il commença à s’intéresser aux Inuits et à leurs techniques de survie. Il tenta à nouveau son exploit lors d’une expédition en 1891-1892 et il prouva que le Groenland était une île.

Peary aurait pu s’arrêter sur ce réel succès, mais ce ne fut pas le cas.

En 1894, alors que depuis 1818 les Occidentaux savaient que les populations locales devaient avoir accès à du fer provenant de météorites, Peary fut le premier à parvenir à localiser ces possessions des Inughuits, une des tribus des Inuits du Groenland.

Les Inughuits racontèrent à Peary que les trois morceaux qu’ils possédaient représentaient une de leurs sœurs (la Femme – un des deux petits morceaux) en train de coudre dans sa tente (la Tente – le plus gros morceau) en compagnie de son chien roulé en boule près d’elle (le Chien – un autre petit morceau) ; selon leur croyance, les trois avaient été jetés des cieux par le maléfique Tornarsuk.

Les Inughuits se servaient de petits éclats de météorite afin de se confectionner des armes, ce qui avait éveillé la curiosité – et la cupidité – des Occidentaux qui se demandaient d’où pouvait bien venir ce fer dans un endroit où il n’y avait pas de mine de ce minerai.

Dès 1895, Peary avait volé la Femme et le Chien, mais la Tente était si lourde qu’il ne parvint à la voler qu’en 1897. Il vendit la Tente à l’American Museum of Natural History à New York pour 40 000 $ (la bagatelle de près d’un million et demi d’euros aujourd’hui) – et autant rentabiliser l’expédition en faisant plaisir à un charmant anthropologue, Franz Boas (1858-1942), qui souhaitait pouvoir étudier un Inuit et en invitant six (le veuf Qisuk et son jeune fils, Minik, la shaman Atangana et son mari Nuktaq, qui était un chasseur réputé, ainsi que leur fille adoptive, Aviaq et son fiancé, Uisaakassak). Il fut assez vague sur ce voyage et leur promit qu’ils ne feraient qu’un aller et retour et qu’ils recevraient des outils en échange de leur collaboration.

Pendant le voyage, Peary ne s’occupa pas le moins du monde de ses invités.

Le petit Minik à son arrivée à New York

 

Arrivés à New York, Peary livra les natifs à Boas, qui, une fois que sa curiosité fut satisfaite, laissa les Inughuits dépérir dans une pièce insalubre du musée où quatre d’entre eux contractèrent la tuberculose et moururent.

Il est à noter que le musée avait la garde des Inughuits – c’est bien beau cet esprit colonial et impérialiste, non ?

Comme Boas n’attendait qu’un natif, le musée fut pris au dépourvu, d’où le pitoyable hébergement des Inughuits – et comme en 1897/1898 les Occidentaux se moquaient pas mal du bien-être de ceux qu’ils jugeaient inférieurs, on fit payer l’entrée à des visiteurs à qui les Inughuits serrèrent la main. Qui s’étonne qu’Atangana, Nuktaq, Aviaq et Qisuk soient tombés malades ?

Seul  Uisaakassak parvint à retrouver sa terre natale. Minik (1890 ?-1918) fut adopté par le directeur du musée, un certain William Wallace.

Boas organisa un faux enterrement pour le père de Minik alors même qu’il faisait envoyer le corps chez Wallace qui fit préparer le squelette du père de l’enfant afin de l’exposer dans une vitrine du musée. Minik ne retrouva le Groenland qu’après 1910 ; il retourna aux États-Unis où il succomba à l’épidémie de grippe espagnole (qui, d’ailleurs, était sans doute une épidémie qui commença sur le sol étasunien, mais c’est une autre Histoire).

Ce fut dans un article de journal, dès années après le faux enterrement, que Minik découvrit le sort de son vrai père. Wallace n’était plus le directeur du musée et le nouveau directeur, Hermon Carey Bumpus, les ignora, tout comme Boas qui enseignait alors. Bumpus nia être en possession des squelettes inughuits et Minik ne parvint jamais à récupérer les os de son père afin de les enterrer selon leurs croyances.

En 1907, Minik, qui avait contracté la tuberculose et venait de survivre à sa troisième pneumonie (merci Peary, Boas et Wallace), demanda à Peary de le ramener au Groenland. Peary refusa.

Il fallut que le jeune homme menace de se suicider pour qu’on l’embarque finalement sur un vaisseau qui devait ravitailler Peary. Afin de faire du sensationnel, des journalistes racontèrent que Minik était retourné chez lui couvert de cadeaux. Belle histoire. Beau mensonge. Non seulement il n’avait presque rien, mais il avait oublié sa langue et sa culture. Grâce à un guérisseur d’une tribu amie, il réapprit ce dont il avait besoin pour vivre chez lui, mais il décida de retourner définitivement aux États-Unis en 1916.

Ce n’est qu’en 1993 que justice fut rendue aux quatre victimes inughuits – et encore, ce ne fut que grâce à la persévérance de Kenn Harper qui écrivit en 1986 un ouvrage sur Minik, Give Me My Father’s Body (Donnez-moi le corps de mon père – notre traduction), et qui survécut à la paperasse étasunienne et canadienne, parvenant à faire rendre les squelettes et les faire enterrer selon les rites inuit à Qaanaaq au Groenland.

 

            Bien, donc, le côté voleur et monstre, c’est fait. Passons à sa magnifique expédition au Pôle Nord.

Il déclara l’avoir atteint le 6 avril 1909, en traineau à chiens (Oh ! Si vous aimez les chiens, n’allez pas creuser pour savoir comment ces expéditions se déroulaient – et se finissaient – pour ce pauvres bêtes ; c’est à vous en faire perdre le sommeil).

À son retour, il eut la mauvaise surprise de découvrir que Frederick Albert Cook (1865-1940) disait être arrivé au Pôle Nord en 1908. Ce fut le Congrès qui décida que Peary avait été le premier.

En regardant les données de toutes les expéditions, il semble que les spécialistes penchent pour que Roald Engelbregt Gravning Amundsen (1872-1928) et Umberto Nobile (1885-1978) aient été les premiers à vraiment atteindre le Pôle à bord du dirigeable Norge le 11 mai 1926. Le 21 mai 1937, Ivan Dmitrievitch Papanine (1894-1986) y posa son avion et seulement en avril 1968, Walter, dit Wally, Herbert (1934-2007) y arriva sur terre en motoneiges.

Il est possible que Cook se soit sincèrement trompé, mais pas Peary. D’ailleurs, même le Congrès doutait des preuves de Peary.

Il faut dire que son journal d’expédition ne ressemble à rien, d’autant plus que l’arrivée au Pôle est décrite sur des feuilles volantes alors que le journal lui-même ne manquait pas de feuilles.

Peary avait renvoyé toute son équipe, sauf un aide de camp, Matthew Alexander Henson (1866-1955) et quatre guides inuits. À quelques jours du Pôle, les distances parcourues furent multipliées par quatre ou cinq et, sur un terrain plus qu’accidenté, la route selon les plans de Peary était toute droite. Plus besoin de contrôler la position non plus, ni de la faire calculer par Henson. Non. Peary savait où il était et, le 6 avril 1909, c’était au Pôle Nord.

Peary est rentré, a raconté son histoire sans avoir la moindre preuve, son sponsor, la National Geographic Society, a certifiée ses dires[1], le Congrès a déclaré (parce qu’il était étasunien et qu’il connaissait les membres du comité qui l’interrogea ?) qu’il avait bien réalisé son exploit et était le premier humain à être arrivé au Pôle Nord.

            C’est encore pour cet exploit qu’on le connaît. Ça n’en reste pas moins un mensonge.

 

            Oh, avant de vous quitter… encore une horreur : Peary et ses hommes traitaient les femmes autochtones de manière déplorable (des témoins ont rapporté des abus lors de l’expédition au Pôle). Peary et son aide, Henson, ont eu des enfants avec des natives ; Mme Peary fut-elle informée de l’existence des demi-frères de ses propres enfants ? Allez savoir. En revanche, ayons une pensée pour une jeune Inughuit, Alakahsingwah,  qui avait environ quatorze ans quand elle tomba dans les griffes de Peary et qui eut au moins deux enfants avec lui[2].

 

 

Sources :

https://fr.wikipedia.org/wiki/Robert_Peary

https://en.wikipedia.org/wiki/Robert_Peary

https://en.wikipedia.org/wiki/Cape_York_meteorite

https://en.wikipedia.org/wiki/Franz_Boas

https://en.wikipedia.org/wiki/Minik_Wallace



[1] : La National Geographic Society demanda à Wally Herbert, en 1984, de leur donner son avis sur le journal de Peary. Sa conclusion fut que Peary avait tout simplement menti.

[2] : Wally Herbert, encore lui, parla de ces enfants dans son livre de 1989, The Noose of Laurels (Le Piège des lauriers de la gloire – notre traduction ; à notre connaissance, cet ouvrage existe uniquement en anglais).

Curiosités de musée : Pause-Lapin au musée de Cluny

           On ne le remarque pas toujours quand on passe le contrôle des billets à l’entrée du musée de Cluny, mais il y a une adorable œuvre contemporaine à cet endroit – on remarque cette Pause-Lapin si on sort par l’escalier : 

 


 


            En 2018, à la suite de la modernisation du musée, cette œuvre fut ajoutée au musée. Elle est le résultat de la collaboration de deux artistes qui sont amis : Florence de Ponthaud-Neyrat et Pablo Reinoso.

Cette œuvre d’acier peint, bronze et tissu veut rappeler la chapelle qui a été récemment restaurée et qui est absolument splendide, mais elle est surtout une sorte d’hommage et d’inspiration moderne des trésors que sont les tapisseries de la Dame à la licorne (la licorne y est certes un personnage des plus importants, mais les conils tissés font aussi partie de l’histoire).

             Que vous l’admiriez avant d’aller au musée ou en en sortant, ne manquez pas cette petite merveille qui s’intègre magnifiquement au musée de Cluny.


Curiosités de musée : Anne de Clèves par Holbein

            Le musée du Louvre est en possession d’un magnifique portrait de Mme Henry VIII d’Angleterre (version 4.0), Anne de Clèves (1515-1557), réalisé par Hans Holbein le Jeune (1497-1543) par un heureux hasard historique.

En effet, la notice officielle de cette œuvre nous apprend qu’en 1642 le quatorzième comte d’Arundel, Thomas Howard (1585-1646), l’emporta aux Pays-Bas. Howard faisait partie de l’escorte diplomatique qui accompagna la princesse Mary Stuart (1631-1660) quand elle rejoignit son mari, Guillaume II d’Orange Nassau (1626-1650).

 

Ce n’est pas le sujet, mais arrêtons-nous un instant sur ce mariage, célébré à Whitehall le 2 mai 1641.

Mary (Marie Henriette) était la fille aînée du roi Charles Ier (1600-1649), qui fut décapité à la suite de la guerre civile qui déchira l’Angleterre, et d’Henriette de France (1609-1669), qui était fille d’Henri IV (1553-1610) et de Marie de Médicis (1575-1642).

Mary avait onze ans quand elle fut mariée ; son époux en avait quinze.

Le couple eut un seul enfant posthume, Guillaume III (1650-1702) – Willem van Oranje-Nassau en version originale, qui vint au monde le 14 novembre alors que son père fut brusquement emporté par la variole le 6 novembre.

Après l’épisode « Oliver Cromwell » et la restauration de la monarchie en Angleterre, Guillaume III fut parfois en conflit avec son oncle Charles II (1630-1685) et avec Louis XVI (1638-1715), mais il tenta une approche diplomatique du côté de son oncle, Charles II, en parvenant à lui faire accepter qu’il épousât la fille aînée du frère cadet de Charles, le futur (et bref) James II (ou Jacques II, en français) d’Angleterre (1633-1701), Mary Stuart (1662-1694). Si James II devint roi à la mort de son frère, le fait qu’il soit catholique posait un énorme problème aux parlementaires anglais et il fut déposé lors de la Glorieuse Révolution qui vit Guillaume travailler avec le Parlement anglais afin de faire nommer son épouse reine – et lui roi et non pas prince consort (ce que les parlementaires firent volontiers puisqu’ils ne souhaitaient pas voir un homme devoir obéir à sa royale épouse). William III et Mary II furent tous deux souverains d’Angleterre, d’Écosse, d’Irlande et de France[1].

 

Si le fils de la princesse dont le mariage avait fait passer une partie de la collection de Thomas Howard d’Arundel sur le continent revint dans la patrie de sa mère, en revanche, le Holbein resta en Europe.

Thomas Howard sentant venir la guerre civile préféra rester bien loin du danger. À la mort du comte, à Padoue, la toile passa dans les possessions de sa veuve, Alethea Talbot, épouse Howard d’Arundel (1585-1654). Ce ne fut pas le quinzième comte, Henry (1608-1652) qui en hérita, puisqu’il mourut avant elle, mais son frère cadet, William (1614-1680) ; Henry ayant eut sept enfants, dont six fils, le titre de comte d’Arundel était presque assuré de rester parmi ces héritiers-là (même si seuls les trois premiers fils survécurent). William entra en possession du Holbein et il le vendit aux enchères à la fin 1662 à Utrecht où il fut acheté par Everhard Jabach (1618-1695), marchand originaire de Cologne établi à Paris.

Le père de Jabach avait ouvert une banque à Anvers, banque qui avait fait prospérer la fortune familiale. Jabach vint s’installer en France en 1638 et devint un sujet du roi de France neuf ans plus tard.

Tout étant très lié dans cette histoire, Jabach, qui était un grand collectionneur comme Howard d’Arundel, servit d’intermédiaire au cardinal Mazarin (1602-1661) grâce à un marchand français à son service à Londres qui acheta certaines œuvres de la collection du défunt roi Charles Ier (les rois de France et d’Espagne et l’Empereur étaient en compétition afin d’en acheter les meilleures pièces). Incidemment, ce que Mazarin acheta fut donné à la France à sa mort et rejoignit les collections royales.

En parlant de collections royales, Jabach vendit une partie de ses collections à Louis XIV – une première fois en 1661 et 1662, puis ensuite en 1671. Le Holbein fit partie de cette seconde vente.

Grâce à ces ventes, la France possède aujourd’hui une collection de milliers de dessins et de nombreuses toiles splendides (comme le St Jean Baptiste de Léonard de Vinci ou un autre Holbein, le Portrait d’Érasme écrivant).

En 1793, les collections royales firent partie du tout nouveau musée du Louvre dès son ouverture, où le portrait de Clèves était désigné comme étant celui de « Jeanne de Clèves ».

Après sa récente restauration, ce superbe portrait fut d’abord installé en salle 811 avant d’aller en salle 809.

 

            Si Henry VIII (1491-1547) n’avait pas été aussi capricieux, imbu de lui-même et macho (oui… oui, c’était plutôt normal pour un souverain de cette époque et pour un catholique – merci Saint Paul ! – qui considérait que la femme était inférieure), il n’aurait pas eu autant de belles-mères.

D’ailleurs, si son frère aîné, Arthur Tudor (1486-1502), n’était pas mort prématurément d’on ne sait quelle maladie, Henry aurait peut-être été marié à une princesse étrangère afin de conclure quelque paix ou alliance. Arthur, après d’âpres négociations car son père, Henry VII (1457-1509), souhaitait s’allier au royaume d’Espagne, mais en récupérant un maximum d’avantages pour lui, sa cassette et son royaume, fut promis à l’infante Catherine d’Aragon (1485-1536) – Catalina en castillan ; le mariage eut lieu le 14 novembre 1501.

Catherine et Arthur contractèrent la même maladie au château de Ludlow, mais seule Catherine se remit. Officiellement, elle était veuve.

Henry VII n’avait vraiment pas envie de renvoyer Catherine en Espagne – surtout parce qu’il aurait dû rendre la dot. La reine d’Angleterre, Élisabeth d’York (1466-1503), voulut donner un autre fils au royaume, mais elle donna naissance à une fille, Catherine (2 février 1503-10 février 1503) et mourut un jour après sa fille des suites de l’accouchement.

Henry fut réellement atterré par la mort de son épouse, mais il envisagea quand même brièvement d’épouser lui-même Catherine d’Aragon afin de garder l’infante et sa dot en Angleterre. Finalement, il fut envisagé que Catherine soit promise au second fils du roi, Henry.

Catherine étant légalement la veuve du frère d’Henry, il fallu l’intervention du pape Jules II  (1443-1513 [Giuliano della Rovere]) afin d’autoriser le mariage après que Catherine assura qu’elle était toujours vierge et que son union avec Arthur n’avait pas été consommée (elle maintint cette version jusqu’à sa mort et malgré le procès qu’Henry lui fit).

Henry VII tenta de manipuler Catherine, mais l’infante ne céda pas et à la mort du roi, Henry VIII devint roi et épousa Catherine (le mariage eut lieu le 11 juin 1509 et le double couronnement douze jours plus tard).

Catherine fut enceinte sept fois entre 1509 et 1518 ; elle fit deux fausses couches et quatre enfants ne survécurent pas, mais le 18 février 1516, Mary Tudor vit le jour (la future Mary Ière épousa le roi d’Espagne Felipe II (1527-1598) en 1554).

Le problème d’Henry VIII, même si la princesse Mary était une enfant douée qui devint une jolie jeune fille, était qu’il voulait un fils – un fils légitime, parce qu’il n’était pas question de légitimer un enfant illégitime. Ça, il en avait (comme Henry Fitzroy (1519-1536), par exemple) – la fidélité n’était pas pratiquée par Henry.

C’est à ce moment de l’Histoire que les métamorphoses commencées à la mort d’Arthur s’accélérèrent : Henry fit déclarer son mariage avec Catherine illégal et leur fille illégitime et, pour ne pas avoir toute la chrétienté à dos, il créa l’Église d’Angleterre, habile mélange de protestantisme et de catholicisme, dont le souverain était le chef suprême.

Catherine, qui fut une excellente reine et une meilleure stratège que son époux, fut envoyée loin de la cour et Henry se remaria.

En 1533, Anne Boleyn (1500 ?-1536) devint reine d’Angleterre et elle donna naissance à la princesse Elisabeth (1533-1603) qui sera la future Elisabeth Ière à la mort de sa demi-sœur en 1558.

La reine Anne fut une personne fascinante et compliquée, mais ce qui est certain, c’est qu’Henry perdit patience (après la naissance d’Elisabeth, Anne fit au moins sept fausses couches). Après la mort de Catherine d’Aragon, Anne voulut se rapprocher de Mary, mais n’y parvint pas. Anne perdit un fœtus mâle le jour de l’enterrement de Catherine (il faut dire qu’on lui avait aussi annoncé que son époux avait été blessé lors d’un tournoi) et Henry commença à dire que Dieu désapprouvait son mariage. Dans la foulée, une dame de compagnie de Catherine et d’Anne, Jane Seymour (1508 ?-1537), fut installée dans des appartements plus beaux que ceux de la reine et ses proches furent promus et protégés par Henry.

Le conseiller et ministre d’Henry, Thomas Cromwell (1485-1540), chercha des serviteurs prêts à accuser la reine et le 2 mai 1536, Anne fut arrêtée pour adultère, inceste (on l’accusa d’avoir couché avec son frère) et haute trahison.

Le 15 mai, elle se défendit brillamment, mais son sort était déjà décidé : mort par décapitation ou sur le bûcher. Henry choisit la décapitation. Anne, résignée, demanda à être exécutée à l’épée (les exécutions à la hache étaient souvent de vraies boucheries) et Henry eut la décence de faire venir un expert de France.

Anne, dans ses derniers instants, fut d’une immense dignité.

Dès le lendemain de l’exécution d’Anne, le roi veuf se fiança à Jane Seymour et l’épousa le 26 mai ; le 4 juin, elle était déclarée reine, mais ne fut pas couronnée (Henry attendit peut-être qu’elle se montre digne d’être reine en lui donnant un fils légitime, mais surtout, la peste sévissait à Londres et il était trop dangereux d’y aller, même pour un couronnement).

Le 12 octobre 1537, elle donna naissance à Edward (1537-1553), futur Edward VI (protestant convaincu, il tenta d’empêcher sa demi-sœur Mary, qui était restée catholique de pouvoir jamais lui succéder sur le trône, mais il souhaitait aussi bloquer Elisabeth ; faisant fi des lois, il désigna Jane Grey (1537-1554) comme son héritière car elle descendait d’Henry VII).

Deux semaines après l’accouchement, Jane fut emportée par une fièvre puerpérale.

Henry avait aimé cette épouse docile, belle et qui lui avait donné un prince. Il porta le deuil pendant plusieurs mois et ne se remaria qu’à cause du traité de Tolède du 12 janvier 1539 entre François de France et Charles Quint qui avait notamment pour but d’isoler Henry VIII. Il souhaitait aussi avoir un autre fils (il était roi uniquement parce que son aîné était mort). Puisqu’il était désormais protestant, il fallait trouver une princesse qui lui apporterait des alliés ou des fonds (ou les deux) et qui ne serait pas catholique.

 

            Revoici donc Thomas Cromwell et Hans Holbein, peintre de la cour d’Angleterre, dans notre histoire et voici notre charmante héritière du duché de Jülich, Kleve et Berg, Anna von der Mark, seconde fille du duc Johann III von Kleve (1490-1539) et de Maria von Jülich-Berg [Marie de Juliers-Berg] (1491-1543).

Cromwell pensait qu’Anne ou sa cadette Amalia (1517-1586) étaient de bonne candidates pour devenir reines. Holbein fut donc envoyé auprès des princesses et fit leurs portraits. Nous avons celui d’Anna au Louvre, mais celui d’Amalia a disparu – une recherche sur Internet vous donnera en résultat un dessin qui, certes, ressemble quelque peu au portrait que nous avons d’Anna, mais il est impossible d’affirmer qu’il s’agit bien du dessin préparatoire au portrait d’Amalia. Certaines pages indiquent que le portrait d'Amalia se trouve au Victoria & Albert museum, mais il s'agit d'une miniature du portrait d'Anna.

Holbein connaissait les humeurs du roi. Certains pensent qu’Holbein fit un portrait trop flatteur d’Anna, mais c’est oublier que s’il avait peint une beauté alors que la vraie princesse ressemblait à « une jument des Flandres » (cette description de la dame, attribuée à Henry VIII, est largement postérieure à notre histoire) et qu’il ait donc trompé le roi, Holbein aurait été torturé par le meilleur bourreau afin de le garder en vie le plus longtemps possible avant de le jeter en pâture au pire apprenti bourreau du pays afin que sa mort soit la plus violente et douloureuse possible. Or… Holbein resta le peintre de la cour et mourut de sa belle mort et donc ce vélin collé sur bois (aujourd’hui sur toile, ce qui doit aider à la préservation de cette petite merveille) de 65 cm sur 48 cm est un fidèle portrait d’Anna von Kleve.

À 23 ans, Anna était plutôt grande et avait des formes généreuses (donc éloignée des beautés anglaises qui étaient en général plutôt relativement croisées avec des planches à pain).

La restauration du portrait permet de remarquer un léger grain de beauté au coin de la lèvre gauche.

Brodé sur sa coiffe, on peut lire en majuscule « ABON FINE », pour « a bon fine », une sorte de porte bonheur traditionnel dans sa région natale et non pas sa devise comme certains l’on cru jusqu’à il y a peu.

Si toutes les perles de sa coiffe et sa robe étaient de vraies perles, elles étaient autant de témoignages de la fortune d’Anna car, à l’époque, toutes les perles étaient naturelles et étaient très rares et extrêmement chères (les perles de cultures produites en quantité le furent au Japon et seulement au début du XXème siècle).

Les bijoux d’Anna sont sans doute des bijoux de famille pour la plupart ; celui qu’elle porte sur l’oreille gauche semble fait d’or, de perles et de pierres précieuses et on peut admirer le talent d’Holbein qui parvint à représenter les minuscules figures d’une femme et d’un homme presque au centre du bijou (aiguisez vos cristallins ou sortez une loupe).

Après avoir vu les deux portraits, Henry confirma le 4 octobre 1539 qu’il épouserait Anna.

Anna et sa suite se mirent donc en route pour la cour d’Angleterre.

Ce fut au château de Rochester le 1er janvier 1540 qu’eut lieu l’incident, semble-t-il.

Henry, comme François de France, était fasciné par la chevalerie, qui n’existait plus. Il aimait les tournois – ce fut d’ailleurs lors du tournoi de 1536 (celui qui provoqua la fausse couche d’Anne Boleyn) qu’il fut blessé à la jambe et que cette blessure suppura jusqu’à la fin de sa vie. Ce fut peut-être aussi cet accident qui changea terriblement son comportement. Henry aimait aussi la littérature courtoise où l’on raconte que des âmes sœurs se reconnaitront et tomberont immédiatement amoureuses.

Ce fut dans cet esprit courtois qu’Henry (48 ans, obèse, malade) débarqua à Rochester, sans être annoncé, en habit de voyage. Il entra dans la pièce où se trouvait Anna et cette dernière aurait ignoré ce gros monsieur auquel elle n’avait pas été présentée. Il faut aussi se souvenir qu’à l’époque en Angleterre il était d’usage d’embrasser les femmes sur la bouche afin de les saluer (l’osculum latin n’était pas très loin ; il se pratique toujours chez les slaves, mais aussi chez certains États-Uniens qui, même entre amis, se saluent ainsi en marque d’affection). Si Henry, en tenue de voyage, a salué Anna ainsi, on peut comprendre que cette jolie jeune noble germanique l’ait poliment ignoré. Henry sortit de la pièce, passa un manteau qui révélait son rang et retourna dans la pièce où il fut mieux accueilli, mais rien d’extraordinaire ne se passa entre Anna et Henry – c’est ce que nous raconta un familier d’Henry, Charles Wriothesley (1508-1562).

Ne pas avoir compris ce qu’Henry comptait faire et ne pas fait prévenir Anna allait coûter très cher à Cromwell. Peut-être n’eut-il pas le temps de la faire prévenir ?

Henry demanda à Cromwell de trouver un moyen d’échapper au contrat de mariage, mais Cromwell avait prévu tous les cas de figure et le mariage eut bien lieu le 6 janvier 1540.

Si Henry rejoignit bien la couche de sa femme, apparemment il ne s’y passa rien

Le fait que les époux ne parlent pas la même langue n’a pas dû aider leurs relations.

Pendant longtemps (et parfois même encore maintenant), certains ont affirmé qu’Anna était laide et que c’est pour cette raison qu’Henry voulut divorcer d’elle. Vous allez voir que cette hypothèse ne tient pas debout.

 

Henry avait remarqué une dame d’honneur de la reine Anna, Catherine Howard (1525 ?-1542). Quelques parents d’Howard étaient aussi liés au Boleyn et ils virent dans cette trop jeune fille un moyen de sauver leur honneur et leur réputation.

Le 24 juin 1540, Anna fut bannie de la cour et envoyée à Richmond Palace. Le 9 juillet, le mariage fut déclaré illégal et annulé par le Parlement le 12 juillet.

Dès le 27 juillet 1540, Henry épousa Catherine Howard… et Thomas Cromwell fut exécuté ce jour-là. Les représailles du roi pour l’avoir fait épouser une femme qui n’était pas immédiatement tombée sous son charme furent terribles.

Comme Holbein ne fut pas puni, la conclusion logique est que le portrait était fidèle à la dame, mais que la vraie femme déplut au roi.

 

Anna étant docile, elle reçut une pension et de nombreuses propriétés (dont sa prison, Richmond Palace et la maison d’Anne Boleyn). Henry commença à l’appeler sa « sœur » et elle fut première dame du royaume après la reine et les princesses royales.

Anna se construisit une vie tranquille à la cour d’Angleterre. Elle devint la sujette de son ancienne dame de cour jusqu’à ce que cette dernière ne connaisse le même sort qu’Anne Boleyn (l’accusation d’adultère fut plutôt curieuse et elle n’avoua jamais).

Anna fut aussi proche de la dernière reine, Catherine Parr (1512-1548). Parr fut mariée deux fois avant d’épouser Henry et il n’attendit pas la mort du second époux avant de commencer à lui offrir quelques cadeaux après l’exécution de Catherine Howard). Parr n’était pas enthousiaste à l’idée d’être la sixième reine, mais elle ne pouvait pas vraiment refuser. Parr fut aimante envers le prince Edward et elle parvint à réconcilier son époux avec ses deux filles.

Anna von Kleve s’entendit à merveille avec les enfants royaux, mais elle ignora la nouvelle reine.

Anna fut présente au couronnement de Mary en 1553.

En juillet 1557, Anna fit rédiger ses dernières volontés (la comtesse d’Arundel y fut mentionnée) et elle rendit l’âme le 16 du mois. Le 3 août, la reine Mary la fit enterrer à l’abbaye de Westminster et elle est l’unique Mme Henry VIII à y être.

 

L’œuvre d’Holbein avait bien souffert. Elle ressemblait à ça il y a peu :


Maintenant, allez admirer les détails de cette petite merveille (nous avons emprunté les photos de la notice du Louvre car, si nous avons pu prendre des photos des mains et des épaules d’Anna von Kleve, nous ne sommes pas assez grande pour prendre une photo de son visage avec la même luminosité) :

 


 

Louvre, aile Richelieu, salle 809… Allez, zou !



[1] : Une curieuse revendication, conséquence de la Guerre de Cent Ans, qui ne prit fin qu’avec l’avènement au trône d’Elisabeth II en 1953 quand elle renonça à réclamer ce royaume.

Exposition : « Caillebotte, Peindre les hommes » au musée d'Orsay

           Chers Lecteurs,

voici encore des nouvelles d’une exposition extraordinaire : les œuvres prêtées par des musées étrangers et de chanceux collectionneurs privés méritent largement l’attente devant presque chaque toile ou dessin (on est en concurrence avec tout Paris et la moitié de la planète, mais c’est logique puisqu’il y a plusieurs milliers de visiteurs chaque jours).

            Même si vous connaissez Gustave Caillebotte (1848-1894), voir son travail face à face, suivre ses coups de pinceaux, admirer sa palette et accompagner son regard dans d’intéressantes perspectives et un vrai bonheur. Aucune image ne peut vous rendre la vie qui émane de son travail.

             Si vous le pouvez, allez profiter de cette exposition.

Le musée nous livre une bande-annonce et cette explication :

Exposition « Caillebotte, Peindre les hommes » 

Du 8 octobre 2024 - 19 janvier 2025 au musée d'Orsay 

L'exposition présentée au musée d'Orsay à l'automne 2024 prend pour sujet la prédilection de Gustave Caillebotte (1848-1894) pour les figures masculines et les portraits d’hommes, et ambitionne d’interroger la modernité si radicale des chefs-d’œuvre de l’artiste au prisme du nouveau regard que l’histoire de l’art porte sur les masculinités du XIXe siècle.

 

            Vous pourrez notamment voir ces merveilles :

 

Le Pont de l'Europe (1876)

Rue de Paris. Temps de pluie (1877)

Le Pont de l'Europe (1876-1877)

Exposition : « Harriet Backer, La musique des couleurs » et autres vidéos sur elle

Chers Lecteurs,

nous allons vous parler d’une exposition très intéressante au musée d’Orsay qui va se terminer le 12 janvier 2025.

Non seulement cette exposition retrace la carrière d’une femme peintre, ce qui nous change un peu (d’autant plus qu’il y a eu des artistes femmes, mais leur travail a souvent été dénigré, sous-estimé ou ignoré), mais aussi, elle nous présente une artiste norvégienne, Harriet Backer (1845-1932).

Sur Internet, nous avons trouvé la bande-annonce de cette exposition :

« Méconnue hors des frontières de son pays, la peintre norvégienne Harriet Backer a pourtant été la peintre femme la plus renommée dans son pays à la fin du XIXe siècle. Célèbre pour son usage de coloris riches et lumineux, elle a réalisé une synthèse très personnelle des scènes d’intérieur et de la pratique du plein-air. Elle puisait aussi bien son inspiration dans le courant réaliste que dans les innovations de l’impressionnisme à travers une touche libre et un très grand intérêt porté aux variations de la lumière. Elle est aussi connue pour ses portraits sensibles du monde rural et son intérêt pour les intérieurs d’églises. »

 

Nous vous avons aussi trouvé une animation sur elle :

« Dans le cadre de sa série « Petites histoires de grandes artistes », l’association AWARE a produit, avec le soutien du musée d'Orsay, une nouvelle vidéo consacrée à la peintre norvégienne Harriet Backer (1845-1932), mise à l’honneur jusqu’au 12 janvier 2025 au musée d'Orsay grâce à la première rétrospective de son œuvre organisée en France : « Harriet Backer. La musique des couleurs ». 

Archives of Women Artists Research and Exhibitions est une association dédiée à la recherche et la valorisation des artistes femmes dans l’histoire de l’art. 

Découvrez toute la série des « Petites histoires de grandes artistes » sur le site de AWARE »

  

Un entretien avec les commissaires de l'exposition est aussi disponible :

 

Si vous avez l'occasion d'aller au musée d'Orsay, vous pourrez admirer ce genre de trésors :

Au musée de Cluny (1883) qu'elle peignit quand elle résidait à Paris

À la lumière de la lampe (1890)
 
Femme cousant à la lueur de la lampe (1890)

ou encore :

Bibliothèque de Thorvald Boeck (1902)

Si vous avez la possibilité de visiter cette exposition avant que ces merveilles ne repartent chez leurs heureux propriétaires et leurs musées respectifs, il y aura sans doute beaucoup d'autres visiteurs, mais les toiles de Backer (et celles de ses amies du même cercle artistique présentes en début d'exposition) sont à aller voir en vrai (en bonus, les compositions de la sœur de Backer sont jouées dans une des salles et ces œuvres sont, elles aussi, bien agréables à découvrir.

Recettes et romans

            Évidemment, Noël arrive, mais nous envisageons de partager certaines de nos lectures plus souvent. Enfin… nous espérons y arriver.

Nous avons fait un marathon des musées ce mois-ci et nous avons croisé quelques publications intéressantes (la personne qui a en premier placé les boutiques des musées à la sortie est un danger public).

Au Louvre et au musée de Cluny, nous avons respectivement trouvé :

Le Cahier de recettes de Catherine de Médicis: et autres dames illustres du château de Chenonceau

Une promenade gourmande dans l’imaginaire du château de Chenonceau, l’un des plus beaux joyaux du Val de Loire. Des recettes célébrant le patrimoine culinaire de la région et les goûts des dames illustres qui habitèrent le château : Catherine de Médicis, en premier lieu, souveraine dont le nom évoque les fastes de la Renaissance, et à qui l’on aime associer nombre de mets, de la confiture aux gelées, en passant par les artichauts ou les macarons. Mais aussi Diane de Poitiers, Louise de Lorraine ou encore Madame Dupin, dont l’hospitalité à Chenonceau laissa à Jean-Jacques Rousseau de délicieux souvenirs gustatifs.
Un cahier réversible : au recto 40 recettes délicieuses et facile à réaliser : beignets d’artichauts, risotto vert, poule au pot, crème glacée à la dragée... Au verso des pages vierges pour noter ses propres recettes.

Une iconographie très riche, composée de gravures anciennes et de magnifiques photographies du château de Chenonceau.

L’Authentique Cuisine du Moyen Âge

La cuisinière du chantier médiéval de Guédelon présente l’art culinaire du Moyen Age, les ingrédients et produits utilisés, les modes de cuisson connus et les préférences des différentes classes sociales. Elle propose plus de 80 recettes pour préparer des pains, des plats de viande, des tourtes, des soupes, des rissoles, etc.

Au musée Guimet, nous avons croisé de charmantes et fascinantes histoires :

Le Restaurant des recettes oubliées

Caché dans les ruelles de Kyoto se trouve le petit restaurant des Kamogawa d’où s’élèvent d’exquises odeurs de riz cuit, de nabe et de légumes sautés. En plus de savoureux repas faits maison, Nagare et sa fille Koishi proposent une expérience qui sort de l’ordinaire : reproduire un plat que leurs clients ont en mémoire, mais dont la recette est depuis longtemps oubliée. Nabeyaki udon, sushis au maquereau, tonkatsu ou spaghettis à la napolitaine... pour chaque nouveau plat, la famille Kamogawa enquête et propose à ses convives de déguster une nouvelle fois les délicieux mets qui ont marqué leur vie. Et grâce à un soupçon de magie, ces saveurs perdues enfin retrouvées permettent de rêver à de nouveaux départs.

Le chat qui voulait sauver les livres

Rintarô Natsuki, lycéen flegmatique, est sur le point de fermer la librairie héritée de son grand-père quand il reçoit une visite inattendue. Un pelage tigré, une queue touffue, deux yeux verts perçants : pas de doute, c’est bien un chat – un chat qui parle ! Et ce félin exprime une requête plutôt inhabituelle : il demande – ou plutôt exige – l’aide de l’adolescent pour aller sauver des livres. Le monde serait en effet peuplé de livres solitaires, non lus et mal aimés que le chat et Rintarô doivent libérer de leurs propriétaires négligents.

Une enquête du vénérable juge Ti

En un temps d’âpres luttes pour le pouvoir, dans la Chine du IXe siècle, un messager impérial vient demander au célèbre juge Ti d’enquêter sur un meurtre dont est soupçonnée la poétesse-courtisane Xuanji. Alors que la belle et talentueuse jeune femme croupit dans une geôle en attente de la sentence, l’enquête du juge le mènera à des secrets qu’il est préférable d’ignorer.

L’Été de la Sorcière

On passe lentement un col et au bout de la route, dans la forêt, c’est là. La maison de la grand-mère de Mai, une vieille dame d’origine anglaise menant une vie solide et calme au milieu des érables et des bambous. Mai qui ne veut plus retourner en classe, oppressée par l’angoisse, a été envoyée auprès d’elle pour se reposer. Cette grand-mère un peu sorcière va lui transmettre les secrets des plantes qui guérissent et les gestes bien ordonnés qui permettent de conjurer les émotions qui nous étreignent. Cueillir des fraises des bois et en faire une confiture d’un rouge cramoisi, presque noir. Prendre soin des plantes du potager et aussi des fleurs sauvages simplement parce que leur existence resplendit. Écouter sa voix intérieure.

Neige et corbeaux

En 1910 une épidémie de peste, la dernière de la planète, frappe Harbin, dans la région la plus au nord de la Chine. C’est une ville nouvelle et dans le désordre des ruelles enneigées se côtoient Russes, Japonais et Chinois, tout un monde cosmopolite et truculent. Avant que l’épidémie ne réduise tous les bonheurs en miettes.
En s’appuyant sur un formidable travail de documentation et de recherche, Chi Zijian a entrepris de dessiner une carte de la ville puis installé sur cette carte les scènes de son roman, les pavillons avec jardin, les églises, l’entrepôt de céréales, l’auberge des Trois Kangs, les maisons closes, la distillerie, l’écurie où dort le cocher de fiacre, les deux ormes et leur nuée de corbeaux, la pharmacie, le magasin de bonbons… C’est ainsi que le vieil Harbin a repris vie, avec les multiples histoires de ses habitants enchevêtrées les unes aux autres, dans une épopée vibrante d’énergie et de volonté de survivre.