Les appartements Napoléon III au Louvre

Le jour où nous avons visité l'exposition de la collectionTorlonia , les marbres antiques furent la dernière partie de notre visite.

En fait, nous étions allée au Louvre afin d’admirer le couple Marten Soolmans et Oopjen Coppit – les deux toiles de Rembrandt achetées conjointement par la France et la Hollande (Aile Richelieu, 2ème étage, salle 844), mais avant d’aller au rez-de-chaussée pour l’exposition Torlonia, nous sommes passée par les appartements Napoléon III (Aile Richelieu, 1er étage, salles 539 à 549) qui ont été restaurés à partir de septembre 2023 et sont de nouveau accessibles au public depuis juin 2024.

 

            Il n’est pas surprenant que ces salles aient eu besoin de quelques soins.

Créées entre 1858 et 1861 sur ordre de Napoléon III (1808-1873) pour son ministre Achille Fould (1800-1867), elles furent des appartements pour le ministre et le ministère d’État et ses salles de réception, puis devinrent le siège du ministère des Finances après les incendies de la Commune en 1871 dont ce ministère fut une des victimes.

Ce ministère occupa cet espace jusqu’en 1989.

La transformation de ces salles afin qu’elles puissent faire partie du musée du Louvre dura jusqu’à leur inauguration officielle en 1993.

 

            À l’origine, en 1858, l’architecte Hector Martin Lefuel (1810-1880) était à la tête du projet, mais tout avait commencé lorsque Napoléon III avait enfin mis en route le « grand dessein ».

Depuis le règne d’Henri IV (1553-1610), il était question de réunir le Louvre aux Tuileries et il y eut de très nombreux projets, mais ce ne fut que dans la seconde moitié du XIXe siècle que le chantier fut mis en route. Incidemment, il est heureux que certains de ces projets n’aient pas aboutis, car certains architectes avaient des projets fort jolis sur papier, mais fort destructeurs dans la réalité.

Ce fut Louis Visconti (1791-1853) qui fut chargé du projet – mais seulement pour des travaux au Louvre selon les ordres de l’Assemblée nationale en 1848.

Le coup d’état du 2 décembre 1851 changea tout et Napoléon III, président devenu empereur des Français, demanda immédiatement à Visconti de lui présenter un projet qui réunirait le Louvre aux Tuileries.

Les travaux commencèrent dès la fin juillet 1852, mais Visconti mourut le 29 décembre 1853. Napoléon III confia le chantier en cours à Lefuel – même si ce dernier ne fut officiellement nommé à la tête du projet qu’en 1855 car il était encore sur le chantier de la nouvelle salle de théâtre du château de Fontainebleau.

 

Le palais des Tuileries et l'arc de triomphe du Carrousel, vers 1865[1]

 

            Tout le chantier était encore en ébullition quand Lefuel se pencha, entre 1858 et 1861, sur la question de la décoration des onze pièces où Fould devrait vivre avec sa famille et travailler avec l’empereur et ses collaborateurs.

Il y avait les petits appartements pour la famille et les grands appartements pour le travail, les réceptions et les dîners d’état.

Dans les grands appartements, on trouve notamment une grande salle à manger avec une table pouvant accueillir jusqu’à quarante personnes.

 

La grande salle à manger

 

Il y a aussi le salon-théâtre, espace qui pouvait être transformé en véritable scène de théâtre et, si besoin était, il y avait même un espace caché pour des musiciens.

 

Le salon-théâtre (portrait de l’impératrice Eugénie (1826-1920) par Franz Xaver Winterhalter (1805-1873), fauteuils, canapé, indiscrets[2] et console)

 

Le salon-théâtre est séparé du Grand Salon par un rideau de scène et le Grand Salon pouvait être vidé de ses meubles afin d’accueillir deux cent soixante-cinq spectateurs. Cette pièce est magnifique ; le canapé central a été conçu afin d’avoir des plantes en son centre, de nombreux fauteuils – dont un certain nombre d’indiscrets – et de chaises se trouvent dans la pièce où tapis, sculptures, peintures et lustres (le lustre central est en cristal de Baccarat) témoignent encore aujourd’hui de certains fastes du Second empire.

 

Vue générale du Grand Salon


Détails du décor du Grand Salon

 

Petit lustre de cristal vu d’en dessous

 

Dans ces salles, tout est à admirer : les parquets, les tapis, le mobilier, les murs, les peintures (l’art du trompe-l’œil est partout présent), les cheminées, les lustres…

Les meilleurs artistes du temps participèrent à ce projet. Nous devons les sculptures à Louis Alphonse Tranchant (1822-?)[3], les peintures furent confiées à Charles-Raphaël Maréchal (1825-1888) pour le Grand Salon et Eugène Appert (1814-1867) pour la grande salle à manger[4], les plus grands bronzes furent réalisés par la fonderie Barbedienne, l’orfèvrerie fut sous la responsabilité du génial Charles Christofle (1805-1863) et les marbres sont de René Langlois[5] - pour ne citer qu’eux, mais il ne sont que quelques noms parmi toute une ruche d’artistes et d’artisans qui créèrent un magnifique écrin qui est parvenu jusqu’à nous.

 

            Aujourd’hui, grâce à quelques mécènes, les ateliers de métiers d’art du Louvre et le groupement de conservation-restauration Petit & Chatain ont pu travailler dans les appartements Napoléon III et restaurer ce qui devait l’être.

Le Grand Salon avait déjà été restauré en 2017, mais toutes les pièces ont été nettoyées et réparées cette fois-ci. Les fenêtres ont été remplacées afin de garantir de meilleures conditions de conservation – notamment pour le Grand Salon qui est très exposé au soleil.

Les appartements sont de nouveau accessibles au public.

 

            Si vous n’avez pas la possibilité de vous rendre au Louvre, le musée a mis en ligne une vidéo afin de vous faire visiter ces pièces en musique :


 

Si la restauration et le travail effectué vous intéressent, il existe une série de vidéos sur le sujet : 

Les appartements Napoléon III - Épisode 1 : L'histoire d'un décor prestigieux

 

Épisode 2 : L'art du trompe-l'oeil

 

Épisode 3 : Bois et dorures

 

Épisode 4 : Nouvelle mise en lumière

Épisode 5 : Velours et passementeries



[1] : Il est fascinant de voir que depuis 1871, date à laquelle nous avons perdu le palais des Tuileries à cause des incendies de la Commune, il y a eu plusieurs projets de reconstruction – plus ou moins sérieux. Aujourd’hui encore, certains parlent de reconstruire le palais perdu.

[2] : Ces curieux fauteuils sont la version à trois places des confidents.

[3] : Voici encore un artiste « disparu ». Il est né à Verneuil le 28 octobre 1822 et a épousé Sophie Gabrielle Duchenne à Montmartre le 28 décembre 1850. Il a donc travaillé sur le chantier du Louvre. Où et quand est-il mort ? Excellente question – dont la réponse nous échappe pour l’instant.

[4] : La commande fut faite le 31 décembre 1860 pour 6 000 francs, Appert fut intégralement payé le 5 mars 1861.

[5] : Ce marbrier qui travailla au tombeau de Napoléon Ier était peut-être né en 1801.

Expositions (à venir) : Musée de Cluny

            Du 19 novembre 2024 au 16 mars 2025 (certes, vous avez le temps de planifier une éventuelle visite, mais nous préférons vous prévenir avant leurs ouvertures), le musée de Cluny va nous présenter deux expositions en lien avec la prochaine réouverture de la cathédrale Notre-Dame à Paris : « Faire parler les pierres. Sculptures médiévales de Notre-Dame » et « Feuilleter Notre-Dame. Chefs-d'œuvre de la bibliothèque médiévale ».

 


            Au sujet de « Faire parler les pierres », le site du musée nous dit :

« Le musée de Cluny conserve une partie importante du décor médiéval sculpté de la cathédrale Notre-Dame de Paris. Celles-ci n'avaient pas fait l'objet d'une étude approfondie depuis le début des années 1980. L’exposition "Faire parler les pierres. Sculptures médiévales de Notre-Dame" promet de renouveler la connaissance sur ces collections, en révélant les résultats de l’important programme d’étude et de restauration mené depuis 2022.

Aux œuvres habituellement présentées dans la salle des sculptures de Notre-Dame s’ajoutent dans l'exposition des pièces encore jamais montrées au public. Une sélection de fragments permet d’évoquer les corps disparus des statues colossales de la galerie des rois. Un dossier consacré à la statue d’Adam, chef-d’œuvre de la sculpture gothique, déroule son parcours mouvementé jusqu’à nos jours.

La scénographie restitue la disposition des fragments restaurés du portail Sainte-Anne et des linteaux du portail du Jugement dernier. Les traces de polychromie retrouvées de ces œuvres sont également mises en valeur. 

Cet événement est l’occasion de dévoiler pour la première fois au public une trentaine de fragments du jubé des années 1230 mis au jour lors des recherches archéologiques préventives conduites par l’Inrap (Institut national de recherches archéologiques préventives) depuis le printemps 2022.

Près de 120 œuvres jalonnent le parcours du visiteur à la rencontre du décor sculpté extérieur et intérieur de Notre-Dame avant les destructions de l’époque moderne. Afin de contextualiser ces œuvres, des prêts issus de grandes institutions comme le musée du Louvre ou le musée Carnavalet - Histoire de Paris, du dépôt lapidaire de la cathédrale et de collections privées viennent approfondir le sujet.

Cette exposition restitue les résultats d'un ambitieux programme d’étude et de restauration conduit depuis près de trois années en partenariat avec le Centre de recherche et de restauration des musées de France (C2RMF) et le Laboratoire de recherche des monuments historiques (LRMH).

L’exposition "Faire parler les pierres. Sculptures médiévales de Notre-Dame" est organisée par le musée de Cluny en partenariat exceptionnel avec l’Inrap (Institut national de recherches archéologiques préventives).

Elle bénéficie du label "Notre-Dame de Paris : vers la réouverture" coordonné par l'établissement public Rebâtir Notre-Dame, maître d'ouvrage du chantier de restauration. »

 


 

            Au sujet de « Feuilleter Notre-Dame », qui est une exposition en collaboration avec la BnF et les Archives nationales (entre autres), nous pouvons lire :

« L’histoire de Notre-Dame, ce n’est pas seulement celle de son célèbre édifice ; c’est aussi celle des livres, manuscrits et imprimés qui servaient au culte ou à l’étude.
Cette exposition offre un condensé de la richesse de la vie intellectuelle et artistique de la cathédrale au cours du Moyen Âge et de la multiplicité des centres d’intérêts de ses nombreux bienfaiteurs. Elle met également en valeur le rôle clé joué par le chapitre cathédral dans la gestion des livres et de la bibliothèque.

 

Le parcours rassemble une quarantaine de pièces, dont une trentaine de manuscrits médiévaux conservés au département des manuscrits et à la bibliothèque de l’Arsenal (BnF) et une dizaine de manuscrits, registres capitulaires et plan conservés dans d’autres institutions (Archives nationales, Archives historiques de l’archevêché). »

 

            Donc, comptez une heure pour chaque exposition, plus une ou deux dans le musée lui-même (en cas de coup de fatigue, il y a un adorable café au rez-de-chaussée avec de très jolies œuvres sur le musée). 

Bonne visite !

 

Louis François Bettenfeld (1855-1930)

            En écrivant, ici ou dans le cadre de nos recherches, nous essayons toujours de vous donner, chers lecteurs, un maximum d’informations sur les personnes que nous mentionnons. Il nous arrive parfois de ne pas trouver d’information (nous cherchons toujours où et quand Rose Maireau est morte, par exemple), mais il arrive aussi que nous plongions en généalogie afin d’élucider quelques mystères.

En cherchant des informations complémentaires sur la villa Kérylos (cet article ne saurait tarder), nous avons trouvé plusieurs mentions de l’ébéniste qui fut chargé de fabriquer le mobilier de la villa : « Louis-François Bettenfeld ».

Grace à l’excellent article de Françoise Reynier, « Archéologie, architecture et ébénisterie : les meubles de la villa Kérylos à Beaulieu-sur-Mer », dans In Situ (que vous pouvez lire ici), nous pouvons lire les informations suivantes : « Cet artisan peu connu est certainement Louis-François Bettenfeld, fils de l’ébéniste François Bettenfeld et d’Agnès Keller, né le 5 juin 1855 à Paris. Selon le Bottin de commerce, il était installé dans le Faubourg Saint-Antoine depuis 1891 et, en 1905, avait trois adresses voisines dans le même quartier. En 1920, il travaillait encore, avec ses fils. La mention ébéniste disparaît avant 1925, date à laquelle la recherche s’est limitée. » (Note de fin de chapitre n°3).

 

            La consultation en ligne aux Archives de Paris des tables décennales sur les XIe , XIIe (nous avions fait le pari qu’il était resté dans son quartier et le faubourg Saint-Antoine couvre une partie de ces deux quartiers) et du XIIIe (quand un adulte de ce faubourg meurt à l’hôpital, c’est plus souvent dans le XIIIe que dans le XXe – expérience familiale) nous a fait découvrir que Louis Bettenfeld nous a quitté (page 8 en bas, à droite) le 30 avril 1930, dans le XIe, chez lui, au 108, avenue Ledru-Rollin. L’employé des pompes funèbres de la maison Roblot du 9, place Voltaire (« Léon Blum », aujourd’hui, mais tout le monde appelle cette place « Voltaire », même ceux qui ne sont pas du quartier – c’est profondément injuste pour M. Blum, mais c’est l’habitude depuis… toujours) déclara, non pas qu’il était ébéniste, mais industriel. Nous apprenons aussi que son épouse, Marie Léontine Chenu, qui était pourtant plus jeune que lui, était déjà morte.

 

            Avant de nous tourner vers Marie Chenu, voyons ce que les actes reconstitués peuvent nous apprendre au sujet de Louis François (sans tiret ; il avait tout simplement deux prénoms – prénoms qu’il a peut-être utilisés tous les deux sur certains registres) Bettenfeld.

Les heureux parents de Louis – le premier d’une fratrie de sept garçons – étaient l’ébéniste François Bettenfeld (1826-1908) et la casquettière Anièce (corrigé par quelques officiers d’état civil en « Agnès » et d’ailleurs, elle se faisait appeler « Louise ») Keller (1828-1894), originaires de Lorraine.

Les archives antérieures à 1860 ayant été victimes des incendies de la Commune, Louis dut reconstituer son acte de naissance, non pas afin de constituer son dossier afin de pouvoir se marier en 1881, mais le 1er août 1872 tout simplement pour la reconstitution officielle des actes d’état civil selon la loi du 12 février 1872. En 1872, Louis habitait au 49, rue de Charonne.

Il était né au 54, rue Traversière, le 5 juin 1855. Selon le nouveau découpage de Paris, il était né dans le XIIe, mais cela correspondait à l’ancien VIIIe. Il fut baptisé à Sainte-Marguerite, rue Saint-Bernard, le 12 août.

 

            Le mariage de Louis et Marie est très intéressant : les bans furent publiés les dimanche 2 et 9 janvier 1881 et il n’y eut aucune opposition, mais il y a deux feuillets qui mentionnent leur mariage. À la page 13, la cérémonie qui aurait dû se dérouler le mercredi 19 est rayée, mais à la page 18 en date du jeudi 20, le mariage eut bien lieu en présence des quatre parents (d’autant plus que Marie était mineure).

Louis avait vingt-six ans, son père cinquante-cinq et ils étaient tous deux ébénistes, « Louise » Agnès avait cinquante ans et était « sans profession » (quand les officiers d’état civil ont commencé à écrire « ménagère », c’était toujours injuste et en dessous de la vérité, mais c’était un peu moins frustrant que de donner l’impression qu’une mère de sept enfants, femme d’artisan ne faisait rien dans la vie). Les Bettenfeld habitaient tous ensemble au 4, impasse Mortagne (entre le 39 et le 41 de la rue de Charonne).

Marie était née dans le XIe, le 29 septembre 1860 ; sa mère, Julie Célestine Viarmé (1825-1917), avait cinquante-cinq ans et son père, Nicolas Chenu (1817-1889), ébéniste lui aussi, avait soixante-trois ans. Les Chenu habitaient au 22, passage de la Bonne graine.

Le 10 janvier, Me Cherrier, notaire à Paris, avait enregistré le contrat de mariage des futurs époux.

Louis Viarmé, oncle de Marie qui avait déclaré sa naissance, était le premier témoin.

 

            Louis et Marie eurent deux fils : Marcel Nicolas et Robert Eugène.

Marcel vit le jour dans le XIe le 1er octobre 1882. Il fut sculpteur sur bois, puis architecte décorateur.

Selon son dossier militaire, il était blond aux yeux noir, avait un visage ovale et un menton rond et il mesurait 1,62 m. S’il fit son service militaire dans les Services auxiliaires, il se retrouva dans l’Infanterie en 1914 et se retrouva même à Verdun. Il fut nommé caporal le 21 mars 1916, sergent 23 septembre 16, et adjudant le 30 janvier 17. Il fut officier de réserve après guerre (lieutenant en 29), affecté à Dakar (Afrique-Occidentale française) en 25.

Dès 1901, il se rendit en Amérique du Sud ; il fut au Brésil en 14 et 25 selon l’armée, qui ignorait que le 8 décembre 1917, il épousa, en tant qu’ingénieur industriel, Carmen Silveira Saraiva au Brésil, où il émigra définitivement en 1941. Le couple eut une fille. Marcel mourut à Sao Paulo le 4 mars 1961.

Robert vit le jour à Fontenay-sous-Bois, le 26 août 1885.

Il était étudiant en 1906, lorsqu’il fit son service militaire dans l’infanterie au 31e régiment et il fut rappelé sous les drapeaux au début de la Grande Guerre dès le 1er août 1914 ; l’armée n’est pas certaine du jour où il est réellement mort (pendant la « campagne contre l’Allemagne » entre le 4 août et le 12 septembre), aussi fut-il décidé qu’il était « mort pour la France » le 6 septembre 1914. Il reçut une médaille militaire à titre posthume le 14 octobre 1920 selon l’annonce au Journal officiel. Son dossier militaire nous apprend qu’il était châtain aux yeux marron, avait un visage ovale et un menton rond et qu’il mesurait 1,49 m.

Marie était déjà morte (page 5, acte 2979) au début de la guerre : le 16 septembre 1913 au 108, avenue Ledru-Rollin. Le service eut lieu à Sainte-Marguerite, paroisse de la famille, et elle fut enterrée au cimetière de Vincennes.

Exposition : Souvenirs de jeunesse aux Beaux-Arts de Paris

            Entrer aux Beaux-Arts de Paris signifie que vous avez passé des épreuves qui vous ont permis d’y être admis.

            En ce moment et jusqu’au 12 janvier 2025, du mercredi au dimanche (de 13h à 19h et nocturne jusqu’à 21h le jeudi), vous pouvez aller au palais des Beaux-Arts, au 13, quai Malaquais dans le VIe arrondissement de Paris afin de visiter l’exposition Souvenirs de jeunesse - Entrer aux Beaux-Arts de Paris 1780 – 1980.

         La description de cette exposition est : « De David à Delacroix, de Cézanne à Matisse, d’Ellsworth Kelly à Gina Pane en passant par Hélène Delprat, Souvenirs de jeunesse est un voyage dans le temps sur deux siècles de 1780 à 1980, pendant lesquels les Beaux-Arts de Paris ont accueilli plusieurs dizaines de milliers d’aspirants-artistes. À travers plus de 260 œuvres et documents, l’exposition adopte le point de vue de la jeunesse, celui de jeunes hommes et femmes qui se trouvent au seuil de leur vocation artistique ». 

 Entrée de l’exposition

             Ce voyage de deux siècles nous transporte vers l’étincelle créatrice qui alimenta le génie de tant d’artistes que nous aimons.

L’exposition commence au 1er étage avec les travaux de 1780 ; les œuvres les plus récentes sont aux rez-de-chaussée.

Vous croiserez Auguste Gorguet (1862-1927) et son magnifique Un Berger, sous un hêtre épais, s’essaie sur son chalumeau – Mois de juin (nous cadrons toujours très mal, pardon !) :


ou Zélia Lenoir (1842-1919) qui nous a donné La Cour du Mûrier à l’École Impériale des Beaux-Arts de Paris en 1866 :

 

ou Edmée Larnaudie (1911-2002) et son Portrait de ma sœur dans l’atelier de Fernand Sabatté, qui se trouve normalement au musée Henri-Martin à Cahors :


 

Rose Eugène Cournuéjouls (1819-1898)

En rédigeant notre biographie de Georges Doublet, il nous a fallu un peu de temps afin de trouver des informations sur son proviseur à Versailles à la fin de ses études au lycée local, qui n’était pas encore le lycée « Hoche ».

Nos découvertes se firent en trois temps (elles auraient pu se faire en deux temps si nous n’avions pas fait trop confiance à notre site de généalogie préféré, mais c’est maintenant du passé).

Dans le dossier d’inscription de Doublet au concours de l’École normale (Archives nationales : 61AJ/169 [École normale supérieure (rue d’Ulm)]) se trouve une lettre du proviseur Eugène[1] Cournuéjouls qui atteste que Doublet fut élève dans son établissement et qu’il était assez sérieux et motivé pour s’inscrire au concours. Bien. Nous étions rentrée avec nos photos du dossier de Doublet et, bien loin des Archives nationales et ses précieux cartons, nous avons donc découvert Eugène Cournuéjouls, mais… Horreur ! Internet ne le connaît presque pas (on peut trouver une référence à son travail en faveur des répétiteurs de lycée dont les conditions étaient très dures ; il plaida leur cause auprès du gouvernement avant de prendre sa retraite – peut-être en banlieue parisienne. Il y a aussi une référence à son poste à Marseille et sa nomination à Alger. Rien de plus) et les sites de généalogie ne nous aidèrent en rien.

En consultant d’autres dossiers de l’École normale, toujours pour Doublet, nous avons – complètement pas hasard – trouvé, dans les listes de 1841, une référence à Rose Eugène Cournuéjouls, né à Lapanouse[2] le 22 décembre 1819.

Notre joie fut de courte durée, car, si nous avons trouvé son acte de naissance, en revanche, il n’y avait aucune information en marge ; il ne s’était peut-être jamais marié (il s’est marié), mais, né en 1819, il était forcément mort, mais nous n’avions aucune piste à l’état civil et toujours rien sur Internet.

Afin de pouvoir mentionner les dates de naissance et décès de Cournuéjouls, notre dernier espoir se trouvait dans le bulletin annuel de l’Amicale des anciens élèves de l’École normale. Nous sommes donc retournée aux Archives nationales où, dans le même carton où se trouve le bulletin qui mentionne le décès de Doublet trente-huit ans plus tard (61AJ/205), nous avons enfin découvert à quelle date le proviseur Cournuéjouls nous avait quittés.

Le texte rédigé en souvenir d’Eugène Cournuéjouls nous livre un trop bref portrait d’un homme fascinant. Bien évidemment, notre Histoire est une mosaïque compliquée de personnes intéressantes, mais, puisque nous avons consulté ce texte-là, nous le partageons aujourd’hui avec vous tel qu’il apparaît aux pages 33 à 39 du bulletin de l’Amicale des anciens élèves de l’École normale de 1899 :

 

Promotion de 1841. Cournuéjouls (Eugène), né à Hapanouse[3] (Aveyron), le 22 décembre 1819, décédé à Limoges, le 16 avril 1898.

Il fit ses études, en qualité d’élève externe, au collège royal de Rodez où il entra en cinquième en 1829. Le palmarès de cette année scolaire 1829-30 dans lequel il figure avec honneur, comprend parmi les lauréats de la classe de philosophie les deux frères Blanc (Louis et Charles) qui jouissaient à Rodez de bourses payées sur la cassette du roi Charles X. Il y a un rapprochement à faire entre cette mince brochure de douze pages d’une impression très peu serrée et nos palmarès d’aujourd’hui, gros et touffus volumes, dont la proclamation demande souvent deux journées et quelles journées ! Sans vouloir en quoi que ce soit nier les progrès réalisés par les connaissances humaines, on peut se demander si le développement moral et intellectuel de la jeunesse a suivi la même progression que l’étendue des palmarès. A cette époque, l’ancien mode d’externat n’avait pas encore disparu. Les élève étrangers à la ville étaient confiés à des particuliers chez lesquels ils vivaient en famille, généralement peu surveillés et payant à peu près toute permission d’aller et de venir. Ce régime était favorable au développement de l’esprit d’initiative et du sentiment de la responsabilité. Les élèves abusaient peu de cette liberté qui n’avait pour eux aucun caractère de fruit défendu. Leurs devoirs ne se faisaient pas plus mal que dans l’internat. Cournuéjouls se louait de s’être trouvé placé dans cette condition. Il disait y avoir pris l’habitude de demander beaucoup à lui-même et de savoir se diriger sans le concours d’autrui. Après avoir terminé ses études littéraires avec beaucoup de succès, il alla, en vue des études scientifiques, au lycée Saint-Louis où il ne tarda pas à entrer en qualité de maître répétiteur. Il venait de débuter à Rodez dans les mêmes fonctions. Ce service laissait alors beaucoup moins de liberté qu’aujourd’hui, il était peu aisé de le faire marcher de front avec la préparation à l’École Normale qui entraînait la nécessité de suivre les cours de la classe de mathématiques spéciales. Il parvint cependant, avec de la constance et de la volonté, à remplir avec succès cette double tâche. Il ne cessa de s’applaudir d’avoir ainsi commencé sa carrière par des fonctions qui sont la meilleure école pédagogique. En 1841, il entra à l’École Normale, dans la section des Sciences mathématiques. Il en sortit agrégé en 1844 pour aller à Limoges comme professeur de mathématiques élémentaires, en compagnie de son camarade et constant ami, Privat Deschanel, qui sortait en même temps de l’École avec le titre de professeur de physique. L’année suivante, la chaire de spéciales étant devenue vacante, il y fut appelé.

C’est là que s’accomplit toute sa carrière de professeur et qu’il s’allia, par son mariage, à une très honorable famille. Quels y furent ses services et quelle considération il sut y acquérir, un fait le montrera. Pendant longtemps, les titres d’officier d’Académie et de l’Instruction publique résultaient, non pas d’une nomination directe, mais de la fonction remplie. Ainsi, les professeurs de premier ordre étaient officiers d’Académie et les palmes d’officier de l’Instruction publique appartenaient de droit aux Proviseurs, aux Recteurs, etc. Un ministre, M. de Crouzeilles,  décida en 1851 que désormais ces distinctions ne pourraient être conférées que par voie de nominations ministérielles, ainsi que cela se pratique depuis cette époque. Or, le premier arrêté pris conformément à cette disposition nouvelle comprenait trois officiers de l’Instruction publique, parmi lesquels Cournuéjouls. En possession de la confiance de tous, très bien posé et apparenté à Limoges, il se serait peut-être décidé à s’y fixer pour toujours, si diverses circonstances n’étaient venues amoindrir la situation qu’il s’y était faite. Suppression de l’École normale primaire où il était chargé d’un cours, en même temps que membre de la Commission de surveillance ; suppression de la commission d’examen du baccalauréat dont il faisait partie et qui existait à Limoges comme dans quelques autres villes possédant une Académie sans Facultés.

Suppression, du Boni Vatimesnil[4] au moment où, atteignant sa sixième année d’agrégation, il allait en jouir et qui ne fut rétabli que bien des années plus tard. Peu encouragé par ces événements, obéissant d’ailleurs à sou désir de se destiner à la carrière du Provisorat pour laquelle il se sentait une vocation, encouragé, en outre, par l’inspecteur général, il accepta, plutôt qu’il ne sollicita le Censorat du lycée de Metz, établissement des plus importants à cette époque, surtout au point de vue de la préparation aux Écoles. Une population de grands élèves y affluait de tous les points de la région.

Son concours y fut des plus efficaces pour maintenir la forte discipline dont la tradition remontait, pour une large part, à un précédent censeur, M. Broca, le proviseur bien connu du lycée Charlemagne.

Une année après, en septembre 1852, il recevait, non sans surprise, l’avis de sa nomination à Marseille par une lettre ministérielle contenant le passage suivant : « Les services que vous avez rendus dans l’administration du lycée de Metz vous ont désigné pour un avancement que je suis heureux de vous donner en vous plaçant dans un lycée très important et d’un ordre supérieur à celui que vous quittez. » II devenait le collaborateur d’un proviseur. M. Jullien, jouissant déjà d’une réputation des plus méritées et qui devait plus tard donner toute la mesure de sa valeur hors ligne sur un plus grande théâtre à Louis-le-Grand et à Vanves. A pareille école, son expérience et son aptitude pédagogiques ne pouvaient que se développer et se fortifier. La population habituellement facile à conduire, était cependant capable de prendre feu parfois avec une vivacité méridionale. C’est dans un de ces mouvements heureusement fort rares, que Cournuéjouls reçut ce qu’il appelait le baptême du feu et montra ce dont il était capable comme sûreté et promptitude de décision. Il racontait volontiers cet épisode, bien fait pour marquer dans la vie d’un Censeur : « Il n`y avait alors au lycée de Marseille qu’un réfectoire où tout l’internat prenait ses repas aux mêmes heures. Une pareille disposition, adoptée depuis peu, était mal conçue, car on devait penser qu’une fois ou l’autre quelque tentative de désordre pourrait y être propice. La chose était facile à prévoir et elle arriva.

Un jour que l’attitude générale nous avait paru un peu inquiétante, un murmure se produisit au moment où on venait de s’asseoir pour le souper auquel je présidais, comme à tous les repas. Je donnai un avertissement qui fut écouté mais auquel on répondit sur toute la ligne par une nouvelle salve de murmures encore plus accentuée. Que faire? Surprendre des coupables ? Impossible ; on bourdonnait à bouche fermée. N’y faire aucune attention ? Parti inconciliable avec ma dignité, en même temps que fort dangereux. Le désordre n’aurait pas manqué de prendre des proportions plus graves. Faire appeler le Proviseur ? C’était avouer mon impuissance et en cas d’insuccès, découvrir l’autorité du chef qui avait besoin de rester intacte. Couper court au désordre en supprimant le souper ? C’était m’exposer à une désobéissance formelle dont les conséquences m’auraient été défavorables, une pareille tentative de ma part pouvait être taxée de témérité. Ces diverses réflexions se succédèrent dans mon esprit, rapides comme la pensée. J’eus même le temps de me rappeler le CIVIUM ARDOR PRAVA JUBENTIUM[5] d’Horace et de songer au grave péril que traversait ma carrière. Je n’en pris pas moins ce dernier parti, et sans m’arrêter à l’idée d’un relus possible sinon probable, je donnai l’ordre de se lever de table... Je fus obéi et sans avoir soupé on alla se coucher dans un profond silence. Il ne me resta plus qu’à rendre compte au Proviseur de ce que je venais de faire et à aller passer la nuit dans un vestiaire, entre deux dortoirs. Le lendemain quelques mesures disciplinaires mirent fin à l’effervescence. Cet incident eut pour moi une grande importance en ce qu’il me donna confiance en moi-même au point de vue du choix de ma nouvelle carrière. Il me confirma, de plus, dans cette opinion qui ne m’a jamais abandonné, a savoir que la jeunesse a, par-dessus tout, besoin de se savoir maîtrisée et qu’en face de l’esprit de résistance ou de désordre, les concessions, les transactions, les demi-mesures ne sont le plus souvent que de la faiblesse déguisée. »

Il quitte en 1856, le lycée de Marseille, pour devenir Proviseur du lycée d’Alger où il passa quatre années qu’il comptait, parmi les plus paisibles et les plus agréables de sa carrière.

Sympathique au personnel comme aux élèves chez lesquels il ne rencontra aucune résistance, vivant dans les meilleurs termes avec le Recteur M. Delacroix qui, confiant dans son savoir-faire, lui laissait la plus grande liberté d’action. Le lycée à cette époque était encore installé dans les bâtiments de l’ancienne caserne Babazoun qui se prêtait fort mal à cette destination et où les divers services fonctionnaient de la façon la moins commode, entassés et enchevêtrés dans un local qui devenait de plus en plus insuffisant, à mesure que la population s’accroissait. C’était le cas d’appliquer ce que disait M. Cousin à propos de l’École Normale de la rue Saint-Jacques : « Nous sommes pleins de vie et nous n’habitons que des ruines. » La salubrité aurait même souffert de cet encombrement si, grâce à la douceur du climat, l’aération n’avait pas été constante en toutes saisons. La construction d’un nouveau lycée s’imposait donc impérieusement. Mais quoique les projets fussent antérieurs à son arrivée, on était encore, après son séjour de quatre années, loin d’entrer dans la terre promise. Son rôle dut se borner à intervenir dans la préparation des plans. Il n’y travailla pas sans une arrière-pensée pénible. L’emplacement lui paraissait en effet mal choisi à l’extrémité de Bab el oued. Il ne cessa d’insister, pour faire adopter le côté opposé qui était celui du développement de la ville. On a depuis regretté bien souvent cette erreur irréparable.

En demandant à rentrer en France il tenait essentiellement à conserver les avantages de la première classe que lui offrait le lycée d’Alger place en dehors du classement des autres lycées. La chose n’aurait pas été sans rencontrer quelques difficultés, en raison surtout de cette circonstance, que, comme les autres services algériens, l’instruction publique relevait du Ministère récemment créé de l’Algérie et les Colonies. « Vous ne m’appartenez plus, lui avait dit M. Rouland et ne me reprochez pas de vous avoir cédé. On vous a pris. » Un événement imprévu vint dénouer cette situation. Une révolte éclata en 1852 au Prytanée militaire de la Flèche qui était trop souvent le théâtre de scènes de désordre. Le général Trochu, envoyé en mission, y reçut lui aussi le baptême des murmures. Le mot de suppression fut même prononcé. Le maréchal Randon, alors Ministre de la Guerre, comprit qu’il y avait des défauts graves dans l’organisation de ce grand établissement où l’on semblait croire qu’une maison d’éducation peut se conduire comme un régiment. Il voulut introduire, dans de plus larges proportions, les procédés et les méthodes de l’éducation universitaire. Le personnel enseignant, recruté jusque-là au moyen d’un concours local, dut, par voie d’extinction être remplacé par le personnel des lycées. Un emploi d’inspecteur des études fut crée pour seconder le général commandant dans la direction de tout ce qui se rattachait à l’enseignement et l’aider à introduire dans le régime intérieur toutes les réformes jugées nécessaires.

Suivant le désir du maréchal qui avait connu M. Cournuéjouls à Alger, ce poste lui fut offert. Il l’accepta à condition d’y être considéré comme y suivant la carrière dans le provisorat. Le Ministre de la Guerre eut en même temps la bonne chance de pouvoir confier le commandement au général Henri Lefèvre, homme de devoir et de dévouement, sachant allier un jugement solide, une grande bienveillance et une rare aménité de formes, au caractère le plus ferme et le mieux trempé. Une confiance réciproque, une entente jamais altérée, une véritable amitié s’établit entre le chef et le subordonné au grand profit du Prytanée qui y trouva, pendant près de douze ans, une période de calme absolu et de la plus incontestable prospérité. Des relations non moins sympathiques existaient entre Cournuéjouls et le commandant un second, le colonel Lecomte, un officier d’une grande valeur qui, après avoir fait bravement son devoir pendant la guerre, devait tomber victime d’un irréparable assassinat. Le séjour de M. Cournuéjouls au Prytanée se prolongea jusqu’en 1871. Il y était entré en 1860. Deux citations suffiront à faire connaître comment il y a été jugé. Un inspecteur général qui n’était pas précisément renommé pour son optimisme écrivait sur son compte en 1866 : « Fonctionnaire d’un ordre vraiment distingués. A des connaissances solides sur les matières scientifiques, il joint des qualités administratives précieuses et rares. Sa parole grave et accentuée a de l’autorité sans emphase. Il a du tact, de la finesse, un jugement sûr et vif, une sagacité parfaite... Les études scientifiques ont été promptement relevées de leur langueur et ont atteint un niveau qui n’est pas dépassé dans nos meilleurs lycées... » Voici comme seconde citation un passage de l’ordre du jour que le général Lefèvre fit paraître à l’occasion de son départ : « M. Cournuéjouls laisse au Prytanée où il a passé près de douze ans une mémoire honorée et une réputation de loyauté et de droiture justement mérité. Aussi, le général croit-il devoir, tant en son nom qu’au nom de tous le personnel de la maison exprimer publiquement à ce chef estimé de tous, les vifs et unanimes regrets que cause son départ. Par son esprit de justice, par la grande modération qu’il n’a cessé de montrer en toutes choses, enfin par son tact parfait, il a su triompher des nombreuses difficultés que présentait la réorganisation complète de l’établissement, aider l’autorité du commandant à rasseoir et à consolider la situation, un instant compromise, de l’ancien personnel enseignant, et participer, dans une large mesure, à la prospérité du Prytanée. Aussi cet éminent fonctionnaire laissera-t-il ici un souvenir d’autant plus précieux et durable qu’il sera basé sur l’estime et la respectueuse affection de tous. » Nombreuses, du reste, seraient les citations si on voulait rappeler dans cette notice tous les témoignages d’estime, d’affection, de sympathie provenant de ses chefs, comme de ses subordonnés que l’on trouve parmi ses papiers.

Honoré de la confiance de tous, élevé à la dignité d’officier de la Légion d’honneur, se trouvant, à tous égards très bien à la Flèche, il ne voulait pas cependant retarder indéfiniment sa marche ascendante dans l’Université. Il y rentra après la guerre, comme proviseur du lycée de Tours. La bonne réputation qui l’y avait précédé ne se démentit pas. Il y trouva des élèves acceptant facilement les exigences d’une règle qu’il sut toujours imposer sans obstacle et des collaborateurs distingués parmi lesquels il suffit de citer : MM. Borgnet, Rabier, Nollein, Gaffarel. Au moment de quitter Tours en 1874, il reçut de son recteur, qui était alors M. Chéruel, une lettre qui dit en deux mots à quel point son administration y avait été appréciée :

« Je regrette que l’Académie de Poitiers soit privée d’un des Proviseurs les plus distingués de l’Université. Je me rappellerai toujours nos excellentes relations et combien vous avez rendu facile le rôle du Recteur en ce qui concerne le lycée de Tours. »

La survivance de l’excellent M. Davan, qui quittait le lycée de Nancy après l’avoir dirigé pendant vingt ans, n’était pas sans donner des appréhensions ; Cournuéjouls n’eut pas à se repentir d’avoir accepté cette mission dans laquelle ses amis lui prédisaient quelques difficultés disciplinaires. Il trouva une population saine et vigoureuse, accrue et fortifiée par glus éléments venus de l’Alsace et de la Lorraine que leurs nouveaux et impitoyables maîtres n’arrêtaient pas encore à la frontière. Son autorité s’y établit sans réserve dès le début et sous sa direction la prospérité de cette grande maison ne fit que s’accroître au triple point de vue de l’affluence des élèves, de la force des études confiés à un personnel de choix, et du succès aux Ecoles spéciales.

Placé ainsi avec ses antécédents et son ancienneté dans la carrière à la tête d’un établissement auquel nul lycée de province ne pouvait se dire supérieur, il n’hésita pas se mettre sur les rangs pour le provisorat de Versailles vacant en mai 1877. Ayant dans ce but obtenu une audience de M. Waddington, ministre de l’Instruction publique, il fut reçu par M. Brunet que le revirement politique du 16 mai venait de porter au ministère. « Je suis au courant de la question, lui dit le nouveau ministre. Vous avez des compétiteurs. Vous seriez même étonné si je vous disais par quel personnage est patronné l’un d’entre eux. » Et il lui montra une lettre qui eût été irrésistible pour un homme moins trempé et moins affermi dans le sentiment de la justice. « Soyez rassuré malgré cela ; c’est vous qui serez choisi, non pas en faveur de votre qualité de mon ancien professeur à Limoges, mais parce que vous avez incontestablement les meilleurs titres. »

C’est ainsi que s’exécuta jusqu’au bout le programme : Paris ou Versailles auquel, avec la ténacité qu’on attribue aux Aveyronnais, Cournuéjouls s’était toujours attaché, même à l’époque où les lycées de Paris étaient moins nombreux et où les proviseurs de province n’y arrivaient que bien rarement.

Les qualités qui partout lui avaient assuré le succès ne furent pas moins bien appréciées à Versailles. Il y réussit pleinement avec sa fermeté bienveillante, ses manières ouvertes et franches, la constante sollicitude qui le retenait au lycée à la disposition des professeurs, des familles et des élèves, réduisant au minimum ses rapports avec l’extérieur, afin de rendre plus attentive son action personnelle dans le magnifique établissement dont la direction avait comblé ses vœux. Mais si le fonctionnaire avait marché, le cours des années avait été encore plus rapide. Il s’était toujours promis de terminer sa carrière à soixante-cinq ans, ne voulant, à aucun prix, remplir avec des forces affaiblies des fonctions qui demandaient tant d’activité. Il tenait, en même temps, à se réserver des chances d’avoir devant lui quelques années à consacrer à ses affaires privées qu’il avait toujours laissées au second plan, à la plénitude de la vie de famille et aussi à se recueillir en se retrempant dans la pratique des principes religieux que sa mère avait trop profondément gravés dans son cœur pour qu’ils eussent jamais pu s’en effacer.

Fidèle à son projet, il demanda et obtint sa retraite en septembre 1882, à l’âge de soixante-cinq ans, après quarante-cinq ans de services accomplis sans aucune interruption. Un seu1 fait suffira pour montrer quels bons souvenirs il laissait à Versailles. L’année suivante, à la suite d’une gracieuse invitation de son successeur, il assista au banquet de la Saint-Charlemagne et à son entrée dans la salle du festin il fut l’objet d’une ovation si unanime, si éclatante, si chaleureuse, que sa modestie lui fit regretter de s’y être présenté.

Il vint jouir de sa retraite à Limoges où l’appelaient des liens de famille, d’anciennes et animales relations. Doué d’un esprit charmant, d’une bonté irrésistible, il y vécut ses dernières années, entouré de la tendre affection des sien, de la sympathique considération de tous.

Bibliophile savant et passionné, connaissant tous les livres, depuis les incunables jusqu’aux dernières éditions parues, archéologue distingué, il partageait ses loisir entre sa bibliothèque, les séances de la Société d’Archéologie du Limousin et l’étude des questions économiques et sociales. Lettré délicat, c’était une bonne fortune pour les journaux de Limoges lorsqu’il adressait à l’un d’eux une de ses intéressantes communications. Il jugeait les choses de haut, avec la plus grande clairvoyance, et dans ses articles, toujours aussi fermes que courtois, la bonhomie adoucissait ce que le trait pouvait avoir d’un peu vif.

A voir ce beau vieillard, toujours si actif, si plein de douce gaieté, sa famille, ses amis espéraient le conserver encore longtemps, lorsqu’il fut malheureusement enlevé par une courte maladie à l’âge de quatre vingt un ans.

Tous conserveront sa mémoire,  car il possédait les dons de l’esprit et du cœur qui font aimer et vénérer les hommes.

Comme le dernier témoignage de respect et d’admiration pour ses hautes vertus, un ami lui consacre ces lignes. Puissent-elle perpétuer son cher souvenir et adoucir un peu la douleur de ses enfants qui le chérissaient !

François MAYNARD.


[1] : Rose Eugène, en fait.

[2] : Il s’agit en fait de Lapanouse de Séverac.

[3] : Jolie coquille.

[4] : Il s’agissait d’un système d’avancement qui privilégiait les enseignants qui restaient dans le même établissement. Il fut supprimé en 1850. Vous pouvez consulter une biographie d’Antoine Lefebvre de Vatimesnil (1789-1860) sur cette page de l’Assemblée nationale. https://www2.assemblee-nationale.fr/sycomore/fiche/(num_dept)/11100

[5] : Odes, III, 3.

 

L'iceberg, le boulanger et l'alligator [Épisode 4 : Après le naufrage]

Cette terrible tragédie eut des répercutions positives : toutes les compagnies augmentèrent le nombre de canots de sauvetage afin que la totalité des personnes à bord, si les conditions le permettent, puisse être évacuée, les compagnies maritimes furent obligées d’avoir deux opérateurs radio qui se relayaient afin d’avoir toujours au moins un homme à l’écoute et, le 20 janvier 1914, la Patrouille internationale des glaces fut créée afin de circuler dans l’Atlantique nord et d’alerter les navires y croisant (depuis leur création, les navires qui ont suivi leurs avertissements n’ont eu à déplorer aucune collision avec un iceberg – aujourd’hui, les patrouilles se font principalement par avion, mais aussi par satellites et les treize nations qui participèrent à sa création sont maintenant dix-sept). Chaque année, le 15 avril, un des avions de la Patrouille internationale des glaces va larguer là où repose l’arrière du Titanic une couronne de fleurs dont le ruban mortuaire porte l’inscription « Always lost, never forgotten » (Perdus à jamais, jamais oubliés).

 

À peine un mois après le naufrage, le 14 mai 1912, l’actrice Dorothy Gibson (1889-1946), une des survivantes de 1ère classe, sortit le film Saved from the Titanic [1] (Rescapée du Titanic [notre traduction]). Ce court-métrage muet d’une seule bobine (moins de dix minutes de film) raconte l’histoire de Dorothy, une jeune fille qui a survécu au naufrage et qui raconte à sa famille ce qui lui est arrivé ; ses fiançailles sont compromises car elle devrait épouser un marin et le danger de sa profession pose désormais problème au père de Dorothy, mais il finit par donner son consentement. Dans le film, Dorothy a la dernière place dans le dernier canot, mais Miss Gibson fut en réalité la première passagère dans le premier canot. Il ne reste aujourd’hui que quelques photos promotionnelles du film dont on pense que toutes les copies brûlèrent lors de l’incendie des studios de production le 19 mars 1914.

Ce travail fut le tout premier d’une longue série de films, séries, livres et documentaires.

 

Les médias nous racontent que ce fut grâce au travail du Dr Robert Ballard que l’épave du Titanic fut localisée le 1er septembre 1985, mais une lettre ouverte du regretté Paul-Henri – souvent appelé « PH » par les Anglo-Saxons – Nargeolet (2 mars 1946-18 juin 2023) remet quelques pendules à l’heure[2].

Le navire repose à quelques 3 800 mètres de profondeur et il n’aurait jamais été localisé si une sorte d’accord n’avait été passé avec la marine américaine (l’expédition devait retrouver pour eux deux sous-marins perdus en échange de l’autorisation de se servir de leur matériel une fois la mission accomplie et l’épave fut découverte presque à la fin du temps imparti). L’implication de la marine américaine resta classée « secret défense » jusqu’en 2008. Incidemment, en 1977, le navire océanographique de la Royal Navy, l’Hecate, avait remarqué l’épave en deux morceaux d’un grand navire dans le secteur et l’expédition de 1985 était en possession de cette information.

Certains commençaient à penser que le Titanic avait été complètement détruit, comme l’avaient été tous les câbles sous-marins, lors d’une terrible tempête en 1929.

Pour la totalité de sa mission, Ballard travailla avec l’Institut français de recherche pour l’exploitation de la mer (IFREMER). Leur mission commença en juillet 1985 et, dès le 28 juillet, les sous-marins étaient localisés et l’expédition pouvait chercher le Titanic, ce qui fut fait avec l’Argo, sous-marin capable de filmer à de telles profondeurs.

Alors que le navire océanographique de Ballard avait navigué au dessus de l’épave sans l’identifier, dans la nuit du 31 août au 1er septembre, la proue fut localisée par l’océanographe Jean-Louis Michel de l’IFREMER. À 2h20, l’ensemble de l’équipage se recueillit sur le pont. Cette expédition prit fin le 9 septembre.

La découverte de la proue prouva que ceux qui avaient vu le navire se briser avaient raison (on peut lire dans certains récits que Ballard s’est servi du témoignage de Jack Thayer afin de localiser l’épave qui se trouve à des kilomètres de l’endroit où on pensait qu’il avait coulé, mais c’est sans doute encore une des histoires liées au Titanic).

La cartographie du site laisse à penser que le navire se brisa en trois.

Les débris sont répartis sur une zone de près de 3 km2. Coulé plus au nord, le navire ne serait qu’à environ 300 mètres de profondeur, mais coulé plus au sud, il aurait pu reposer à 5 000 mètres.

L’examen de la coque nous apprit que l’iceberg n’avait pas éventré l’avant, mais qu’il avait réussi à faire sauter les rivets, ce qui avait ouvert une petites brèche, mais sur une longueur trop grande pour que le navire puisse y survivre.

Les corps[3] et la plupart des tissus ont été dévorés par les créatures marines, mais l’acier disparaît lentement (il semblerait que des bactéries, baptisées halomonas titanicæ, fassent leur ordinaire de la coque du navire qu’elles pourraient bien finir de dévorer d’ici 2030 – et les scientifiques craignent qu’elles n’aient pris goût à l’acier et migrent vers d’autres sources de nourriture, ce qui pourrait être terrible pour bon nombre de structures sous-marines). Le bois qui manque à bord a sans doute été brisé dans le naufrage car certaines pièces sont toujours intactes dans la carcasse du navire. On trouve du charbon, des bijoux, de la vaisselle et, chose plus surprenante, du cuir, ce qui s’explique par les traitements chimiques subis par les peaux. Il y a donc des chaussures, des portefeuilles et des sacs, sacs qui ont parfois protégé des trésors.

 

Une plaque commémorative fut laissée sur le site par Ballard en 1985, mais, considérant le site comme un cimetière, il ne remonta aucun objet à la surface (allez cependant lire ce que le commandant Nargeolet avait à dire au sujet du manque d’éthique archéologique), ce qui déclencha une bataille internationale afin de déterminer qui aurait le droit de plonger sur le site.

On peut comprendre que certains veuillent traiter cette zone comme un cimetière ou une terre sacrée, mais étudier la zone contribue à garder les victimes dans la mémoire collective de l’humanité. Un autre problème est peut-être que la tragédie est récente (en Histoire, 1912, c’est hier matin) et que certains survivants qui nous ont quittés récemment devaient voir ce site comme l’ultime demeure de leurs parents (les parents de certains millionnaires disparus voulaient financer des opérations afin de récupérer les corps, ce qui aurait été impossible à l’époque et Eva Hart s’opposa toujours aux expéditions de récupérations). C’est pourtant de l’Histoire maritime ; ce qui est récupéré est traité avec le plus grand respect et on est à des années lumières de pratiques telles que celles d’Howard Carter (si vous ne savez pas déjà comment il maltraita la momie de Toutankhamon, allez lire un récit sur le sujet – mais préparez-vous à bouillir de colère).

En 1986, Ballard retourna sur le site, mais sans l’IFREMER (d’après le commandant Nargeolet, Ballard était d’accord pour partager le crédit des photos prises en 85 avec l’IFREMER, mais il les vendit aux médias le jour même de la découverte). Ballard laissa une plaque à l’avant et une à l’arrière ; dans sa lettre ouverte, le commandant Nargeolet rappela que, lors de cette expédition, le coffre-fort de 3ème classe fut secoué par sa poignée (Ballard déclara que le fond du coffre manquait et que le coffre ne contenait rien, mais comment en être certain ?).

Les premières expéditions eurent lieu du 22 juillet au 11 septembre 1987 avec la compagnie Titanic Ventures, Inc., qui aujourd’hui s’appelle RMS Titanic, Inc. et qui a de nombreuses équipes qui récupèrent, préservent et exposent les objets récupérés sur le site du naufrage. George Tulloch (1944-2004) était le premier président de cette compagnie. Cette expédition se fit en collaboration avec l’IFREMER ; de nombreuses photos furent prises et environ 800 objets furent remontés. Le commandant Nargeolet faisait déjà partie de l’aventure.

Paul-Henri Nargeolet (Photo AFP)

En 1993, la France donna officiellement les droits à RMS Titanic, Inc. sur les objets récupérés en 87.

Le 7 juin 1994, RMS Titanic, Inc. reçut d’un tribunal américain le droit de récupérer des objets sur le site du naufrage ; cette décision fut confirmée en 1996. En 2006, une autre cour américaine leur confirma la propriété des objets récupérés en 1987, selon la décision de la France.

En 1994, celle qui avait été la plus jeune survivante du Titanic, Eliza Gladys Millvina Dean (2 février 1912-31 mai 2009), fut l’invitée d’honneur d’une exposition où furent présentés certains des objets qui avaient été remontés. Ce fut cette année-là qu’un journaliste du Times de Londres (n’oublions pas que ce journal fait partie depuis 1981 de l’empire de Rupert Murdoch, l’homme à qui l’on doit Fox News et une brochette d’infâmes feuilles de choux dirigées par des rédacteurs aux pratiques parfois peu scrupuleuses) compara les expéditions à des pilleurs de tombes. Quelqu’un aurait peut-être pu donner à ce journaliste la définition d’archéologie (combien de momies de sont plus dans leurs tombes ? et encore plus récemment, les restes de Joachim du Bellay ont été retrouvés sous les dalles de Notre-Dame de Paris lors des fouilles et le sort du poète va être déterminé par le Ministère de la Culture) et quelqu’un aurait pu rappeler à ce journaliste qu’en 1993, Tulloch avait transmis à Edith Eileen Brown (27 octobre 1896-20 janvier 1997), alors âgée de quatre-vingt-dix-sept ans, la montre de son père, Thomas, décédé dans le naufrage, qui avait été retrouvée lors de la première expédition de 1987. Tulloch se défendit en déclarant que ceux qui avaient salis la réputation du capitaine Smith, qui ne pouvait plus se défendre, et celle du capitaine Lord, qui n’aurait rien pu faire et n’a jamais été cru, étaient ceux qu’il fallait critiquer, pas lui qui souhaitait garder vivante l’histoire des passagers et de l’équipage du Titanic[4].

Il y a régulièrement des expéditions afin de constater les dégâts sur l’épave et, en archéologie marine, de récupérer un maximum d’objets afin de les conserver le plus longtemps possible. RMS Titanic, Inc. a organisé des expéditions en 1987, 1993, 1994, 1996, 1998, 2000, 2004, 2010 et 2024.

En 2006, John Joslyn ouvrit le Titanic Museum Attraction à Branson dans le Missouri et il en a un autre à Pigeon Forge dans le Tennessee. En parlant de musées, il y a aussi un « espace Titanic » à la Cité de la mer à Cherbourg-en-Cotentin (la ville a changé de nom en 2016), un musée à Belfast et un à Cobh (comme s’appelle aujourd’hui le port de Queenstown qui fut la dernière escale du Titanic) et de nombreux musées maritimes à travers le monde ont des salles consacrées au Titanic.

En 2020, une expédition indépendante a filmé l’épave en haute définition, ce qui a permis de réaliser une modélisation photogrammétrique.

Le 18 juin 2023, le sous-marin Titan, de la compagnie OceanGate, qui devait récolter des données et amener des touristes sur le site, implosa ; le commandant Nargeolet était à bord.

Cette année, RMS Titanic, Inc. a pris de nouveaux clichés, a continué la cartographie du site et a localisé la Diane de Versailles.

La National Oceanographic and Atmospheric Administration (NOAA) fut chargée par les États-Unis qui sont en charge de la protection de l’épave de veiller sur elle ; la NOAA collabore avec la RMS Titanic, Inc. dans sa mission de conservation.

La RMS Titanic, Inc. organise aujourd’hui plusieurs expositions : Orlando et Las Vegas sont des sites permanents, mais l’exposition itinérante se trouvera sous peu à Boston et à Lausanne, puis à Ludwigsbourg en 2025, faisant ainsi partager, selon le désir de George Tulloch, l’histoire du Titanic au plus grand nombre.

Les objets présentés sont tous authentiques et après avoir passé des décennies à près de 4 km sous la surface, ils ont tous besoin de la science des équipes auxquelles ils sont confiés.

Lors de la conférence du 3 avril 2024 au SITEM, donnée par la présidente actuelle de la RMS Titanic, Inc., Mme Jessica Sanders, la directrice des collections, Mme Tomasina Ray, et le directeur du développement commercial, M. Gautham Chandna, ils parlèrent de leur travail de conservation et des nombreux objets dont ils ont la garde.

Nous avons retrouvé une partie de ces informations dans un article de la BBC (les prochaines images proviennent d’ailleurs de cet article parce que nous n’avons pas pensé à prendre des photos pendant la conférence d’avril). 

Comme la montre de Thomas Brown qui fut transmise à sa fille après avoir été retrouvée en 1987, certains des objets qui sont remontés appartiennent à des personnes qui survécurent au naufrage. Si Edith Brown était encore en vie pour recevoir un bien familial, il n’y a aujourd’hui plus personne pour déchiffrer les histoires que nous racontent les objets récupérés et c’est Tomasina Ray et les scientifiques avec qui elle travaille qui sont les voix des disparus. Par exemple, Adolphe Saalfeld (1865-1926) a survécu ; ce chimiste de formation était le président de la Sparks-White&Co. Ltd en Grande-Bretagne et il se rendait aux États-Unis (en 1ère classe, contrairement à ce que dit l’article de la BBC) afin d’essayer d’y commercialiser des parfums – parfums dont les fioles ont été retrouvées parmi le champ de débris en 2000 et dont une des recettes a été recréée depuis. Gage de leur incroyable qualité, le parfum des fioles est toujours odorant. La mallette d’échantillons que Saalfeld laissa derrière lui nous raconte aujourd’hui que son travail était d’une exceptionnelle qualité. Il raconta qu’il avait « suivi le mouvement » et s’était retrouvé évacué sur le canot n° 3, mais il devint insomniaque après la tragédie et quelques imbéciles sans cœur le mirent au banc de la société pour avoir eu l’audace de survivre (parce qu’il était un homme).

Il y a aussi l’alligator. Ne vous demandiez-vous pas ce que cette bête faisait dans le titre et où elle allait apparaître ? L’alligator fut transformé en sac – un sac dont le modèle ressemble à des sacs qui peuvent s’acheter encore aujourd’hui – et sa peau fut donc traitée avec moult produits chimiques… puis acheté par une modiste et couturière, Marian (Mary Ann à son baptême) Ogden, épouse Meanwell (7 décembre 1849-15 avril 1912).

Photo du sac de Marian Meanwell et d’une lettre de recommandation de son ancien logeur

 

Elle avait eu un fils et trois filles. Sa plus jeune fille, Margaret Costin, s’était mariée aux États-Unis ; elle avait deux jeunes enfants et venait de se retrouver veuve. Marian décida d’aller aider sa fille. Marian périt dans le naufrage, mais si son sac n’avait pas été retrouvé et les papiers qu’il contenait sauvés, l’histoire de Marian Meanwell serait incomplète. En effet, la photo d’une femme s’y trouvait :

 

Possible photo d’Ann Dolan, épouse Ogden, mère de Marian Meanwell

Il s’agit peut-être d’une photo de sa mère. Autre document préservé dans son sac, son certificat médical qui garantissait sa bonne santé et l’autorisait à immigrer et il y avait aussi une lettre de son ancien logeur qui déclarait qu’elle était une bonne locataire qui réglait son loyer à l’heure. Un autre document nous apprend un fait qui était inconnu jusqu’alors : Marian Meanwell, tout comme la famille Goodwin, n’avait pas sa réservation sur le Titanic. Elle avait un billet sur le Majestic, mais, n’ayant pas assez de charbon à cause de la grève, il ne put partir et elle fut transférée sur le Titanic.

Sans le travail et la dévotion des équipes de la RMS Titanic, Inc., l’histoire de Marian Meanwell serait restée incomplète. Le souvenir de cette victime est plus précis, grâce à eux – et n’oublions pas l’alligator qui servit de capsule temporelle pour ces précieux documents.

 

Le Titanic, comme nous vous l’avions dit, n’est pas du tout un de nos sujets de recherche, mais, en faisant nos recherches sur lui (le déclencheur fut la série de vidéos de Max Miller sur le sujet, ce qui nous fit aller à la conférence d’avril où l’alligator continua de nous faire nous poser des questions, questions qui avaient commencées avec l’extraordinaire histoire du boulanger la nuit du naufrage) nous avons réalisé qu’il y a encore beaucoup de légendes qui sont présentées comme des vérités. De même, s’il est vrai que les témoignages ne concordent pas tous (pour paraphraser Henri-Irénée Marrou, lors d’un événement important, il y a autant de versions qu’il y a des témoins), il est troublant de constater, alors que la tragédie qui a frappé le Titanic passionne tant de personnes, que rares sont les travaux qui tentent de recueillir un maximum d’informations afin de reconstituer les choses au plus près de la vérité (312 pages avec l’histoire abracadabrante du numéro de la coque et une seule avec la vérité sur le sujet – pour ne citer que cette histoire).

 

Nous avons essayé de creuser afin de vous donner une histoire du Titanic la plus fiable possible.

Si nous trouvons des corrections à faire, nous les ajouterons dans de futurs articles.

L’histoire de l’iceberg est – probablement – bouclée, mais si nous découvrons d’autres histoires aussi fascinantes que celle du boulanger ou de l’alligator, nous viendrons les partager avec vous.

 

 

Sources :

Archbold (Rick), McCauley (Dana), Last Dinner on the Titanic, Weidenfeld & Nicolson, Londres, 1997.

Atlantique, latitude 41° [A Night to Remember] (1958)

https://www.youtube.com/watch?v=JbmHZbTpoDY&list=PLIkaZtzr9JDlFDMpTL3Xyjbuj9I2yvZeI&pp=iAQB

http://www.titanicinquiry.org/BOTInq/BOT01.php

http://aftitanic.free.fr/

https://www.abc.es/archivo/abci-triste-adios-victima-espanola-titanic-esquela-pero-sin-tumba-202004140140_noticia.html

https://www.bbc.com/afrique/articles/clygnylgm0go

https://cherbourg-titanic.com/2011/12/r-m-s-titanic/

https://fr.wikipedia.org/wiki/Titanic

https://titanic.fandom.com/wiki/

https://www.bateaux.com/article/21512/menu-dernier-dejeuner-titanic-naufrage-vendu-88-000

https://www.bateaux.com/article/21514/naufrage-titanic-vecu-raconte-une-riche-famille-britannique

https://www.bateaux.com/article/21515/revivre-apres-drame-naufrage-titanic

https://www.beauxarts.com/grand-format/une-statue-de-diane-retrouvee-sur-lepave-du-titanic/

http://www.btinternet.com/~dr_paul_lee/ismaysescape.htm

https://www.dailyrecord.co.uk/news/local-news/red-roses-titanic-hero-musician-2560490

https://www.encyclopedia-titanica.org/

https://www.encyclopedia-titanica.org/last-of-the-last.html

http://hdl.loc.gov/loc.pnp/cph.3c21013

http://hdl.loc.gov/loc.pnp/cph.3c25501

https://www.nationalgeographic.fr/histoire/vous-savez-comment-il-a-coule-mais-savez-vous-comment-le-titanic-a-ete-concu

https://www.newschainonline.com/news/titanic-expedition-yields-lost-bronze-statue-and-other-discoveries-418573

https://www.reddit.com/r/titanic/

https://www.reddit.com/r/titanic/comments/1f0u1yg/broken_by_curiosity_the_missteps_of_titanic/?rdt=59646

https://www.titanicbelfast.com

https://www.titanicmuseum.org

https://titanic.superforum.fr/t449-memorial-roger-bricoux-france

http://web.archive.org/web/20041117153609/



[1] : Le film sortit en Grande-Bretagne le 25 juillet 1912 sous le titre A Survivor to the Titanic (La Survivante du Titanic [notre traduction]).

[2] : Cette lettre en anglais, probablement rédigée en décembre 2004 ou janvier 2005, s’adresse à Ballard et le commandant Nargeolet lui reproche un grand nombre d’oublis et d’inexactitudes. Elle est téléchargeable ici

[3] : Il est bien évident que la plupart des victimes ont disparues aujourd’hui, mais en 1996 une expédition trouva une alliance avec la phalange de son propriétaire. Considérant que le reste du squelette se trouvait peut-être dans la vase, os et bague furent remis où ils avaient été trouvés.

[4] : Tulloch fut remplacé à la tête de la RMS Titanic, Inc. par les actionnaires de la société parce qu’ils ne le trouvaient pas assez agressif en affaire. Afin de préserver l’esprit de ce qu’il avait commencé, il les combattit au tribunal.